Il y a quelque chose que je ne comprends pas avec l'équipe de Valérie Plante. Quand tu viens de te faire élire à la tête d'une ville comme Montréal, tu sais que tu seras évalué durant les premiers mois pour deux choses : l'augmentation des taxes et les services aux citoyens. Or, l'équipe mise en place il y a très exactement 85 jours a échoué sur ces deux points. Vite, un stratège en politique pour conseiller ces élus!

Il est évident que la «stratégie» adoptée par l'administration Plante pour gérer la dernière tempête de neige - qui consistait à attendre un redoux - a été un bide total. Après des jours de lamentations et de jurons de la part des citoyens, on a finalement lancé dimanche une opération de déneigement qui devrait se poursuivre jusqu'à demain.

D'abord un mot sur cette approche qui se situe entre la broche à foin et le macramé-granola. Compter sur une hausse du mercure suffisamment longue pour faire fondre la neige alors que nous sommes en janvier et que nous vivons une période de grands remous climatiques est une hérésie totale. Rendu là, nommons le rédacteur en chef de l'Almanach du vieux fermier responsable du dossier du déneigement à la Ville de Montréal.

Bien sûr, on peut penser que notre situation de ville nordique nous oblige à prendre notre grabat et nos crampons (conseil offert par Marcel Tremblay en 2009) pour vivre de novembre à avril.

Mais après 375 hivers, je crois que les Montréalais méritent qu'une approche contemporaine adaptée à leurs besoins soit respectée et prise au sérieux par les élus.

Je me suis entretenu avec Jean-François Parenteau, responsable des services aux citoyens de la nouvelle administration Plante-Dorais. C'est à lui que l'on doit cette décision. Il dit aujourd'hui la regretter. Quand je lui ai demandé ce qu'il retenait de cette expérience, il m'a répondu que les soubresauts de la météo n'iront pas en s'atténuant et que nous devons ajuster notre approche par rapport à la gestion du déneigement. Selon lui, les décisions sur le choix des bons produits pour l'épandage (abrasifs, graviers, etc.) sont difficiles à faire avec les changements de température.

Oui, il y a l'épandage, mais il y a aussi le déblayage. Et si nous marchons tous depuis une semaine comme R2D2 sur des trottoirs couverts d'une épaisse couche de glace, c'est que ceux-ci n'ont pas été déblayés, point.

Il y a les désagréments liés à la présence de bancs de neige glacés aux abords des rues (je me suis garé dans la rue Masson samedi et j'ai eu l'impression de manoeuvrer un char d'assaut), mais il y a aussi la sécurité des citoyens. Et on ne badine pas avec cela.

Chez Urgences-santé, on m'a confirmé que des dizaines d'interventions (de 30 à 40 par jour) ont eu lieu au cours du week-end à cause de chutes sur les trottoirs. Les ambulanciers ont dû prendre en charge des gens qui s'étaient fracturé une cheville ou un bras. Le porte-parole Stefan Overoff me disait que les ambulanciers suivent de près les prévisions météorologiques. «On voit les choses venir», m'a-t-il dit. Tout cela n'est pas normal.

Il y a la sécurité des citoyens, mais il y a aussi l'insécurité. C'est fou le nombre de personnes qui, au cours des derniers jours, m'ont parlé de leurs craintes de tomber et de se faire mal. Pour certains, la peur est tellement grande qu'ils s'enferment chez eux. Je pense à toutes ces personnes âgées qui sont encabanées depuis une semaine chez elles.

C'est cette question de sécurité qui a poussé le maire de l'arrondissement d'Anjou, Luis Miranda, à jouer au dissident. Dès mardi dernier, ce vétéran de la scène politique municipale a commencé à dire aux élus de la ville-centre qu'une opération de déneigement était essentielle.

Des gens dans l'entourage de Luis Miranda l'ont mis au courant d'un incident au cours duquel des ambulanciers ont eu du mal à intervenir à cause d'un banc de neige glacé. 

«Pour une personne qui a des problèmes cardiaques, chaque seconde compte. Pour moi, il était clair qu'on ne pouvait pas attendre que la neige fonde», affirme M. Miranda.

Lors de la séance du conseil municipal de mercredi dernier, Luis Miranda est revenu à la charge auprès de ses collègues élus. Jean-François Parenteau a quand même tenu à maintenir son plan, celui d'attendre le redoux. Résultat : mercredi midi, Luis Miranda a demandé à son équipe de procéder à un déneigement sur le territoire qu'il gère. Sa décision est aujourd'hui saluée par ses citoyens.

Le geste de Luis Miranda n'a pas été apprécié par Jean-François Parenteau. En retour, la longue expérience du maire de l'arrondissement d'Anjou lui fait dire que la décision de Jean-François Parenteau était mauvaise de A à Z. «Même s'il y avait eu un redoux, la neige aurait fondu et on se serait retrouvé avec des lacs partout dans la ville. Et quand on a des lacs, on se retrouve au printemps avec des nids d'autruche dans les rues.»

Cette affaire de déneigement raté fait remonter à la surface la guerre de pouvoir qui continue de régner entre les arrondissements et la ville-centre, de même que la tension qui existe entre l'ancienne garde et la nouvelle.

Il est évident, en tout cas, que le courant ne passe pas entre Miranda et Parenteau. «Lui, avant qu'il vienne me dire comment dépenser mon argent... m'a dit Luis Miranda. Je suis prêt à accepter les choses quand elles sont logiques. Mais quand la personne est incompétente, c'est non. Surtout quand il s'agit de quelqu'un qui change sa chemise comme il l'a fait pour aller à l'exécutif [Parenteau a quitté le parti Équipe Coderre pour devenir indépendant avant d'être nommé au conseil exécutif]. Moi, j'ai très peu de respect pour ces personnes-là.»

Un chantier «d'optimisation du déneigement» a lieu en ce moment. Jean-François Parenteau veut revoir la manière de faire. Rappelons que le même exercice avait été fait par l'administration de Gérald Tremblay, et par celle de Denis Coderre.

Une nouvelle équipe arrive, elle veut mettre les choses à sa main, elle veut améliorer certaines stratégies selon sa philosophie. C'est normal et j'accepte cela. Mais le résultat est que les citoyens ont parfois l'impression de tourner en rond dans certains dossiers.

Montréalaises, Montréalais, cramponnez-vous! L'hiver prend fin le 19 mars. Et selon les ambulanciers, il n'y aura pas de redoux avant un bon bout de temps.

PHOTO IVANOH DEMERS, ARCHIVES LA PRESSE

Luis Miranda