Denis Coderre est rentré de vacances, mardi, et a immédiatement tenu un point de presse afin de «remettre les pendules à l'heure». Un peu comme un père de famille qui rentre de voyage et qui semonce ses enfants qui n'ont pas été sages, il a adopté une mine renfrognée et s'est lancé dans une solide plaidoirie au sujet de la course de Formule E, son bébé, son projet.

J'ai senti chez lui une certaine nervosité. Il a fait taire un journaliste qui a tenté de lui couper la parole. Il a à quelques reprises fait allusion à des reportages contenant de l'information erronée, selon lui, au sujet de cet évènement qui a du mal à se frayer un chemin vers le coeur des Montréalais, vers un consensus.

Denis Coderre croit dur comme fer que la Formule E va atteindre son triple objectif de faire la promotion de l'électrification des transports, de faire la promotion de la ville sur la scène internationale et de doter la métropole d'un nouvel évènement sportif d'envergure.

J'ai demandé à Denis Coderre s'il croyait qu'il y a eu un problème de communication dans toute cette affaire. «Ça dépend avec qui», m'a-t-il dit avant de préciser que tout avait été fait pour bien renseigner les résidants qui vivent aux abords du circuit. « C'est certain qu'il peut y avoir de la récupération politique », a-t-il ajouté, décochant ainsi une flèche aux membres de l'opposition.

En tout cas, Marie-Claude Pratte, qui vit dans la coopérative de logements Radar, à l'angle de la rue Champlain et du boulevard René-Lévesque, a le sentiment d'avoir été très mal préparée à ce projet. La femme est au bord de l'épuisement après plusieurs nuits blanches à endurer les travaux.

«On a vécu les travaux d'infrastructures et d'asphaltage pendant cinq semaines en mai et juin, et voilà que tout cela est recommencé depuis deux semaines pour l'installation des murets et des grilles. Les équipes de jour et de nuit se relayent sans arrêt. On ne dort plus la nuit. C'est effrayant, monsieur.»

Mme Pratte est entrée en contact avec l'entourage du maire. Un adjoint l'a rappelée. «On tente de nous rassurer, mais sans succès. J'ai vu une maman, en pleine nuit, sortir en jaquette pour parler aux ouvriers. Ses enfants pleuraient. Des résidants veulent déménager. On est à boutte des nerfs. C'est rendu que les locataires se chicanent entre eux.»

Sur la question du choix de l'endroit où tenir la course, Denis Coderre affirme que la décision finale a été prise afin de répondre aux exigences de la Formule E. Mais, talonné sur ce sujet, il a fini par dire qu'on a décidé de ne pas tenir cette course sur le circuit Gilles-Villeneuve car le public aurait été en mesure de « comparer » les deux courses. Intéressant...

Aurions-nous créé un circuit de toutes pièces et à grands frais dans le but de satisfaire une organisation en concurrence avec une autre déjà en place ?

Pour Denis Coderre, s'il fallait écouter les critiques, on ne ferait pas de projets ambitieux comme celui d'Expo 67. Je suis d'accord avec lui. Et je suis certain que pour un leader, comme le maire d'une ville comme Montréal, ce n'est pas facile de faire face aux boucliers qui se dressent.

Cela dit, je crois aussi qu'un leader se doit de prendre le temps d'expliquer les tenants et aboutissants d'un projet aussi important. Je persiste à croire que si cette décision ne passe pas, c'est qu'elle a été mal présentée, mal expliquée, mal défendue. Ce n'est pas normal de tenir un point de presse d'urgence au sujet d'un évènement quelques heures avant son départ.

J'ai fait un survol des articles et des reportages qui ont été faits depuis l'annonce de Montréal comme hôtesse d'une des étapes de la Formule E. On a appris en septembre 2016 que nous allions accueillir les deux dernières étapes de la saison 2016-2017 de la Formule E. Un mois plus tard, nous avons découvert la nature du tracé.

En avril dernier, le maire tenait une conférence de presse pour donner plus de détails sur cet évènement. C'est alors que des citoyens vivant aux abords du tracé ont commencé à réaliser l'ampleur de cette organisation et que des commerçants ont découvert les conséquences que cet évènement aurait sur leur chiffre d'affaires.

Ils ont râlé, avec raison. Ce tintamarre a alors fait sortir le président d'honneur, Alexandre Taillefer, du mutisme dans lequel il était plongé depuis l'annonce de sa fonction en octobre 2016. L'homme d'affaires, propriétaire d'une flotte de taxis électriques, est venu leur dire d'être «compréhensifs».

Bref, au risque de me répéter, ce projet a souffert d'un manque de communication du début à la fin.

Et je souligne à gros traits que cet évènement coûtera environ 24 millions (peut-être plus) aux contribuables. Vous savez, la somme que vous devez payer chaque année en deux versements ? Elle représente, en partie, ces millions de dollars.

Plusieurs citoyens croient que les journalistes, les chroniqueurs et les éditorialistes devraient attendre la fin de l'évènement pour voir son impact. Si on devait appliquer cette méthode à tous les projets lancés par nos dirigeants, je pense que les journalistes, les chroniqueurs et les éditorialistes devraient tenter de se trouver un emploi chez un fleuriste.

Je souhaite ardemment que cette Formule E soit couronnée de succès (on nous assure que ce sera plein), qu'elle fera ses frais, qu'elle fera rayonner Montréal et mieux connaître l'électrification des transports. Je le souhaite à Denis Coderre. Mais surtout, je nous le souhaite.

En attendant, j'irai voir de près ce que tout cela donnera. Les arrangements floraux, très peu pour moi.