Yannick Nézet-Séguin est actuellement en tournée au Japon. Sur son compte Facebook, il est photographié aux côtés de l'ambassadrice américaine à Tokyo, Caroline Kennedy. Dans la publication qui suit, il est en camisole Nike et nous dit qu'il fait son jogging près du Palais impérial.

Voilà qui résume bien la personnalité de cet homme qui, malgré le vertige que procure sa carrière, garde les deux pieds sur terre. Et garder les pieds sur terre, c'est ce qu'il devra faire au moment de devenir officiellement le directeur musical du prestigieux Metropolitan Opera de New York.

Même si des rumeurs couraient à ce sujet depuis quelques mois, j'avoue que cette annonce a de quoi donner des frissons. Et de quoi nous rendre très fiers.

Je ne sais pas si vous mesurez l'ampleur de cette nomination, mais tout cela est de l'ordre du grandiose, du magistral ! C'est comme remporter la Palme d'or à Cannes pour un réalisateur. C'est comme gagner le 100 mètres aux Jeux olympiques pour un coureur. C'est comme être nommé chez Dior pour un couturier. Être à la tête du Met, c'est l'ultime consécration pour un chef d'orchestre.

À 41 ans, Yannick Nézet-Séguin arrive au sommet dans son domaine. Il rejoint le petit groupe de mégastars que compte le Québec : Céline Dion dans le domaine de la chanson, Xavier Dolan au cinéma et Robert Lepage au théâtre.

Quelle trajectoire pour cet homme qui, déjà à l'âge de 10 ans, voulait devenir chef d'orchestre. À 19 ans, il a appris les rudiments du métier de chef d'orchestre, et voilà que, 20 ans plus tard, des équipes des trois orchestres qu'il dirige (Montréal, Rotterdam, Philadelphie) s'occupent de gérer son agenda pour les cinq à dix années à venir, les grandes salles de concert et d'opéra du monde entier se battent pour l'accueillir, des publics des plus grandes capitales l'acclament soir après soir.

Si l'on ne voit pas souvent Yannick Nézet-Séguin à Montréal, c'est qu'il est constamment à voyager dans le monde. Et s'il fait rarement les émissions de fin de soirée québécoises, c'est qu'il est devenu un invité de type AAA. Pas facile de lui mettre le grappin dessus.

L'annonce de sa nomination a fait le tour du monde hier. Les journalistes de la musique classique de New York étaient en émoi et la grande majorité saluait ce choix. Le public new-yorkais le connaît déjà, car il a dirigé quelques fois des opéras au Met. 

Pour le moment, on se réjouit de son arrivée et on apprend à prononcer son nom. Michael Cooper du New York Times s'est empressé de donner une petite leçon à ses lecteurs. « His full name is pronounced yah-NEEK nay-ZAY say-GHEN », a-t-il écrit sur le site web du quotidien hier.

Cela dit, tout n'est pas gagné pour Yannick Nézet-Séguin, qui succède à James Levine. Ce dernier était le directeur musical du Met depuis 1975. C'est lui qui a donné à la plus connue des maisons d'opéra ses lettres de noblesse. Yannick Nézet-Séguin (YNS pour les intimes) connaît très bien les chaussures qu'il doit enfiler. Dans l'allocution qu'il a prononcée hier depuis Tokyo, il a eu de bons mots pour le maestro qui connaît des ennuis de santé et qui devra quitter ses fonctions à la fin de l'actuelle saison (il demeurera toutefois chef émérite).

Yannick Nézet-Séguin devra compter sur son immense talent et son irrésistible charme pour séduire le public et la critique de New York. Et Dieu sait si ces deux groupes peuvent être impitoyables.

C'est sans oublier le milieu de la musique classique international. Celui-ci peut être très mesquin. Hier, déjà, certains spécialistes émettaient des réserves quant au choix du Met et se posaient des questions quant aux capacités du jeune chef.

Quelques heures après l'annonce du Met, un journaliste du Guardian soumettait déjà des questions au jeune maestro. Il voulait savoir quels étaient ses goûts et quelle orientation musicale il entendait prendre. Bref, les grands observateurs du monde musical l'auront à l'oeil. Et à l'oreille.

En regardant l'annonce faite hier par Peter Gelb, directeur général du Met, ainsi que par quelques membres du conseil d'administration, il m'est apparu clair qu'en venant chercher Yannick Nézet-Séguin, le Met faisait un geste de marketing. On veut rajeunir l'image de la maison et lui procurer un vent de fraîcheur.

Quand on voit avec quelle rigidité ces gens se sont exprimés, on se dit que la pente sera abrupte et que le défi sera gigantesque pour le chef québécois.

Plusieurs biographies de Yannick Nézet-Séguin qui circulent sur le web le décrivent comme une « étoile montante » de la musique classique. Les auteurs vont devoir modifier leur texte. L'étoile a atteint le sommet. Elle brille fort. Même qu'on la confond avec le soleil.