Les patrons qui dirigent la programmation de la radio de Radio-Canada se sont mis le bras dans le tordeur. En mettant à l'antenne la décapante émission La soirée est (encore) jeune, ils ont élevé la barre. Ces quatre gars, qui font mon bonheur le samedi et le dimanche après-midi, sont bitch, hilarants et pertinents. L'animateur Jean-Philippe Wauthier et ses trois acolytes (Jean-Sébastien Girard, Olivier Niquet et Fred Savard) donnent un sérieux coup de fouet à cette chaîne qui en avait bien besoin.

Le problème avec cette émission, c'est qu'on en veut plus. On veut plus de folie, plus de créativité, plus d'audace. Et l'autre problème, c'est que certaines émissions de la chaîne publique nous apparaissent tout à coup totalement dépassées.

Il me vient tout de suite à l'esprit Samedi et rien d'autre, une émission qui symbolise ce que notre radio d'État fut il y a 20 ou 30 ans. Tout est prévisible, tout est sans surprise, tout est offert avec cette bonhomie typiquement «vieille France». Je veux bien qu'une émission soit construite autour de son animateur, mais trop, c'est trop. Joël Le Bigot nous impose samedi après samedi ses sujets et ses intérêts personnels, qui passent la plupart du temps au-dessus de nos têtes.

Est-ce qu'une émission régionale a besoin d'avoir en direct de la France Jean-François Kahn nous remâcher pendant 10 minutes un sujet (samedi dernier, nous avons eu droit au remaniement ministériel en France! Zzzz...) dont on avait abondamment entendu parler durant la semaine?

Nous ne sommes plus à l'ère du télégraphe. Et l'admiration qu'avaient les Québécois pour la France n'est plus la même. Les Québécois d'aujourd'hui ont le monde entier comme champ d'intérêt.

Sa façon de malmener gentiment ses collaborateurs était drôle il y a quelques années. Ça ne l'est plus maintenant. Il n'y a qu'avec ses invités qu'on le sent bien. C'est là qu'il est au mieux. Pourquoi lui confier une émission avec une armée de chroniqueurs alors que son grand talent d'intervieweur serait mis en valeur dans une émission où il serait seul avec des invités?

Comprenez-moi bien: je ne fais pas de l'âgisme en disant cela. Cela n'a rien à voir avec l'âge. Cela a à voir avec l'audace, avec l'envie de faire table rase et de tout réinventer. Je ne comprends pas qu'on soit allé chercher un nouvel animateur (Alain Gravel) pour la matinale et qu'on n'ait pas du tout changé la structure et la nature de l'émission. C'est le changement dans la continuité.

Les patrons de Radio-Canada se sont mis la main dans le tordeur et ils n'ont pas le choix que d'aller plus loin. De nous proposer plus de Jean-Philippe Wauthier, plus d'émissions comme Plus on est de fous plus on lit (une quotidienne qui prouve hors de tout doute que l'on peut parler intelligemment de littérature tout en ayant l'air d'être sur les champignons magiques), À la semaine prochaine, Pouvez-vous répéter la question ou Dessine-moi un dimanche, des émissions où on a l'impression qu'il «se passe quelque chose».

La radio de Radio-Canada (Ici Première) se trouve à cheval entre deux mondes. Il est grand temps qu'on lui donne une direction claire. Les spécialistes des radios publiques vous le diront, plus on donne l'occasion aux auditeurs de zapper, plus on les perd et plus on a du mal à les rattraper. Les gens zappent plus vite que leur ombre. Faut savoir garder leur ombre.

Samedi, on soulignait la Journée mondiale de la radio. Je me dis que si ce média a droit à sa journée, il mérite qu'on s'y intéresse et qu'on le traite bien.

Alors que les journaux sont à faire un virage à 180 degrés et que la télé vit un spectaculaire élan (les séries lourdes sont en train de prendre la place qu'occupait jadis le cinéma), la radio piétine.

Pour y avoir travaillé pendant 12 ans, je peux affirmer que ce médium est extraordinaire.

Il appelle les idées et la folie. Il n'aime que cela, en fait. Il ne tient qu'aux plus audacieux de secouer le pommier.

Une animatrice, un clitoris et un prépuce

Depuis quelques jours, on a vu apparaître sur les réseaux sociaux des liens menant vers une émission norvégienne qui fait beaucoup réagir. Il s'agit de Newton-pubertet. On y voit une jeune animatrice (Line Jansrud) au look plutôt sage (cheveux longs et frange qui tombe sur les yeux) qui présente à la chaîne nationale norvégienne, NRK, une série de huit émissions dont le but est de faire l'éducation sexuelle des adolescents. L'émission est diffusée depuis quelques mois.

Jusqu'ici, tout va bien pour les chastes téléspectateurs que nous sommes. Mais si je vous dis que pour parler de la puberté masculine, l'animatrice s'installe dans un vestiaire, stoppe un jeune homme au passage, lui retire sa serviette et nous parle de l'organe reproducteur masculin en palpant son pénis, en repoussant son prépuce pour nous montrer son gland, puis met malicieusement un sac de glaçons sur ses testicules pour nous montrer comment le scrotum réagit au froid. On pousse comme les personnages de Like-moi un bien senti: Oh my God!

À première vue, on pourrait penser que cette émission a quelque chose de racoleur. Pas du tout.

C'est fait avec humour, franchise et intelligence. Tout a été pensé pour l'adolescent qui se pose des questions-idiotes-qu'il-n'ose-pas-poser-de-peur-d'avoir-l'air-con. Mais surtout, ces capsules montrent que la sexualité est quelque chose qui fait partie de nous et qu'en l'exploitant bien, nous devenons de meilleurs adultes.

Je regardais ces capsules et je pensais au nouveau cours d'éducation sexuelle du ministère de l'Éducation qui est actuellement testé dans une quinzaine d'écoles du Québec. Je pensais surtout à l'Association des parents catholiques qui demande à ce que les parents qui le désirent puissent obtenir une exemption pour leur enfant.

La présidente Marie Bourque a déclaré l'automne dernier que l'éducation sexuelle pour les adolescents n'a pas été une bonne chose dans le passé et que ça «déséquilibrait» notre vie.

Oh my God!

Mauvaise cible

L'émission Tout le monde en parle a commencé dimanche en abordant la controverse qu'a suscitée le billet de Louis Morissette publié dans le magazine Véro. Dans ce texte, le producteur du Bye bye disait qu'il avait été «contraint» d'engager Normand Brathwaite pour jouer dans le sketch parodiant François Bugingo. Carla Beauvais et le rappeur Webster, la coordonnatrice et le porte-parole du Mois de l'histoire des Noirs, étaient là pour lui rappeler que les Noirs avaient le droit d'être bien représentés à la télévision québécoise. 

Le problème avec ce sujet, c'est qu'on a choisi le mauvais prétexte. Il serait très important que l'on parle de la place des minorités dans notre télévision et dans notre cinéma. Le hic, c'est qu'on a utilisé pour en parler une émission satirique où les comédiens engagés sont là pour incarner sans distinction des hommes, des femmes, des gais, des Noirs, des gros et des laids, etc. Faut-il rappeler que le billet de Louis Morissette portait sur la frilosité des patrons de Radio-Canada face à ceux qui sévissent sur les réseaux sociaux? Parfois, on vise une cible, mais certains s'emparent de la flèche.