Le gouvernement fédéral a annoncé hier dans son budget qu'il avait prévu 4 milliards de dollars pour aider les producteurs agricoles, notamment de lait et de volaille, touchés par l'ouverture du marché intérieur dans la foulée de différents accords de libre-échange.

Le but de cette opération de secours financier dont on sait peu de choses : amortir le choc.

Aider les entreprises à négocier un gros virage, celui de l'arrivée d'une nouvelle concurrence et d'une baisse anticipée de revenus liée à la venue dans nos épiceries et nos restaurants de ces produits d'ailleurs, moins chers, parfois plus intéressants, pour une raison ou une autre, que les produits locaux.

On en saura plus sur la distribution de cette enveloppe dans les semaines à venir. Et on entendra sûrement parler des agriculteurs durant les prochains mois, campagne électorale oblige.

Mais justement. Parlant d'élections fédérales...

Il y a autre chose qu'Ottawa pourrait faire pour aider tout le monde, tant les consommateurs que les producteurs : revoir ses politiques en matière d'étiquetage et de traçabilité.

Actuellement, les règles du programme de gestion de l'offre encadrent très clairement les importations de volaille, ce qui assure notamment que les poulets entiers vendus ici sont d'origine canadienne. Mais le poulet coupé, transformé, surgelé peut être importé par ceux qui vont chercher les permis nécessaires. Et dès que ces « ingrédients » sont combinés ici, localement, pour cuisiner autre chose - disons une pizza, une soupe, un plat surgelé -, les transformateurs alimentaires ne sont pas obligés de préciser leur provenance. C'est comme ça que St-Hubert a pu, pendant 10 ans, utiliser des cubes de blanc de volaille surgelés de Thaïlande en toute discrétion pour ses pâtés au poulet vendus en épicerie. De la même façon que des dizaines d'autres transformateurs, dont les produits sont vendus partout. 

C'est une aberration.

Si je me fie à la réaction massive, mécontente, des lecteurs à la nouvelle de la semaine dernière sur les origines asiatiques du poulet de leurs chers pâtés, la transparence aiderait directement les producteurs locaux. Les transformateurs seraient obligés de répondre de leurs choix, de donner des explications aux consommateurs. Et sûrement, ils finiraient, face aux exigences de leurs clients, par s'approvisionner plus souvent localement.

Vous avez en effet été nombreux, très nombreux, chers lecteurs, à m'écrire pour me parler du pâté St-Hubert. Nombreux à dire que l'idée de manger du poulet asiatique sans le savoir ne vous plaisait pas du tout. Nombreux à vous inquiéter de la qualité des ingrédients, nombreux à demander de la clarté et de la traçabilité.

Nous sommes à l'aube d'une période électorale fédérale. N'est-ce pas le temps de demander aux politiques de s'engager à cet égard, le temps de poser des questions ? Je le formulerais ainsi : pourrait-on, chers futurs élus, savoir ce qu'on mange ?

***

Les temps ont changé.

Les consommateurs et les producteurs sont loin d'être insensibles ou anesthésiés devant la question de l'origine des ingrédients.

Aux quelques lecteurs qui m'ont écrit pour dire que seul le prix influençait leurs décisions d'achats, j'ai envie de répondre que collectivement, on est tranquillement en train d'aller ailleurs. Je ne dis pas que tout le monde est parfaitement cohérent avec des valeurs hautement écolos et éthiques dûment prises en compte à chaque passage à la caisse. Mais on fait du chemin. Tranquillement. Les détaillants le voient. De la même façon que la conscience écologique fait du progrès sans être rendue aussi loin qu'on l'aimerait.

D'ailleurs, la chaîne et les producteurs disent déjà être prêts à essayer de changer la situation pour que le pâté au poulet de marque St-Hubert soit fait avec du poulet québécois. 

Quand je leur ai parlé, la semaine dernière, les gens de St-Hubert m'ont dit que s'ils travaillaient avec du poulet importé, c'est parce que le produit spécifique dont ils ont besoin n'était pas offert ici et que s'il l'était, ce serait probablement trop cher.

Mais maintenant, tout le monde semble prêt à discuter.

Olymel, par exemple, géant du secteur, se dit prêt à aller de l'avant pour fournir le produit précis dont St-Hubert a besoin. « C'est récent », dit Richard Vigneault, porte-parole de l'entreprise, précisant que les ajustements faits dans les usines permettant de transformer précisément ce type de produit - des cubes de viande blanche surgelée garantis sans os - remontaient à quelques mois. 

« Nous avons reçu, plus tôt cette semaine, une demande de St-Hubert pour valider notre capacité à fournir ce produit. Nous sommes présentement en analyse de cette demande, et pour confirmer notre capacité, on doit attendre les résultats de l'analyse complète (capacité de production, spécifications du produit, équipements, etc.) », a précisé pour sa part Stéphanie Paquet, porte-parole d'Exceldor, l'autre géant de la volaille québécois.

Quant à Josée Vaillancourt, porte-parole de St-Hubert, elle m'a envoyé hier ces commentaires : « Nous sommes extrêmement surpris, mais très heureux d'apprendre comme vous que nos transformateurs seraient en mesure de nous approvisionner selon nos spécifications afin de répondre aux attentes de nos consommateurs. Notre service des approvisionnements est disponible à les rencontrer dans les plus brefs délais. »

***

Bref, le monde du pâté au poulet sera-t-il transformé ? Peut-être. Mais il n'est pas normal que ce genre de cachotterie existe légalement partout dans le monde alimentaire.

La transparence et la traçabilité doivent être exigées pour les produits transformés.

Chers consommateurs et électeurs, à vous de jouer.