Chers parents vieux jeu, pas rapport, ignares et autrement croûtons, soyez rassurés: nous ne sommes pas seuls à croire qu'il faut encadrer la vie de nos enfants, de nos ados, sur les réseaux sociaux.

Michelle Dennedy, la grande vice-présidente pilotant le dossier protection de la vie privée chez le géant Intel, elle-même mère de préados, est de notre bord.

Selon elle, abandonner l'idée qu'on puisse protéger nos enfants contre la publication mal avisée de données sur leur vie - leurs images, leurs allées et venues, leurs fréquentations, par exemple - parce que «l'internet c'est comme ça et les réseaux sociaux c'est comme ça et on a déjà perdu cette bataille», se compare à l'abandon de l'idée par tant de gens, au Moyen-Âge, de chercher une nouvelle route pour l'Asie.

«On disait n'essayez pas, la Terre est plate, vous allez tomber en arrivant au bout, il y a des dragons», dit-elle.

Bref, l'internet n'est pas un univers de bêtes chimériques indomptables et hors de notre contrôle. C'est une réalité qu'on commence à inventer, à apprivoiser.

Rencontrée en marge de sa présentation à la conférence C2MTL, la semaine dernière, Michelle Dennedy renverse à peu près tous les préjugés qu'on peut avoir sur les gens de techno qui se préoccupent de sécurité sur le web. En conférence, elle nous a montré ses culottes (des Spanx) avant de dire que les mots de passe devaient être comme des sous-vêtements: des choses exotiques, secrètes, qu'on doit changer de temps en temps...

Elle a aussi expliqué qu'à Québec - elle a étudié le français à l'Université Laval - elle avait déjà mélangé les mots poutine et putain et elle a résumé l'essentiel de son message sur la nécessité d'une meilleure protection de nos renseignements privés sur le web par: «Il est temps qu'on se bouge le cul.»

L'autre message de Mme Dennedy, c'est de se méfier de cette impression qu'on est arrivé quelque part dans le développement d'internet, alors qu'en fait, on n'est qu'au début.

Notre façon insouciante de naviguer et de laisser nos enfants voguer sur les réseaux sociaux, en publiant des photos d'eux-mêmes, des témoignages de leurs bêtises, des messages dont ils ne mesurent pas la portée, s'apparente à l'insouciance de ces gens qui roulaient dans les premières voitures sans ceinture de sécurité, sans coussins gonflables, sans limites de vitesse, sans contrôles d'alcoolémie. Le danger de la voiture leur semblait faire partie intégrante de la conduite alors qu'on sait aujourd'hui qu'il y avait, qu'il y a, des tas de moyens pour diminuer les risques, pour toujours faire mieux.

Selon Mme Dennedy, non seulement y a-t-il moyen de mieux protéger notre vie privée sur internet, mais la protection de la vie privée est un secteur hyper prometteur pour ceux qui veulent l'explorer. Peut-être, croit-elle que de plus en plus d'internautes sont prêts à commencer à payer pour être mieux protégés, par exemple. «Tient-on vraiment tant que ça à avoir des comptes de courriels gratuits?»

«On a besoin d'innovation!»

Michelle Dennedy se garde bien de nommer les plateformes qu'elle vise, mais on comprend qu'elle parle ici de Gmail ou l'une des plus connues et des plus utilisées par nos enfants, Facebook, Snapchat, Twitter, Tinder notamment... Elle trouve qu'il est temps que les parents commencent à s'inquiéter un peu plus de ce qui s'y passe.

La limite de 13 ans pour aller sur les réseaux sociaux, rappelle-t-elle, n'a rien à avoir avec des études scientifiques démontrant qu'à partir de cet âge-là les enfants sont assez mûrs pour savoir ce qu'ils y font. «C'est uniquement une question juridique. On met la limite à 13 ans pour protéger légalement les entreprises, mais ça ne veut rien dire d'autre.»

Il faut donc se préoccuper de ce que les enfants font sur le web, poser des questions.

À ceux qui trouvent que tout ce qui arrive sur internet est trop vaste pour commencer à comprendre, à imaginer quelque encadrement réaliste, elle recommande de morceler les interventions. De prendre la bête par petites bouchées. On peut leur demander leurs mots de passe, devenir «amis» avec eux, suivre leurs comptes sans intervenir - et les gêner.

«On peut commencer par une simple conversation avec nos filles, par exemple, sur ce qu'il est convenable de montrer sur une photo partagée. Leur demander qui, selon elles, les regardent. Et il faut le faire tôt! Quand elles sont jeunes. Quand elles n'ont pas encore de lolos. Pas une fois qu'elles les ont déjà montrés sur le net!»

Autre conseil: comprendre que là comme ailleurs, les enfants vont faire des erreurs - afficher une photo qu'ils vont regretter, dire quelque chose d'inapproprié - et que ce n'est ni la fin du monde ni une raison d'abdiquer. Tout cela fait partie du processus.

Mais il ne faut pas non plus oublier que, comme en ski ou en vélo, on est mieux d'avoir l'air stupide avec un casque, que pas assez protégés.