Connaissez-vous Stefania Ferrario?

Tête rasée, courbes parfaites, personnalité affirmée, égérie de la ligne de lingerie de l'artiste burlesque Dita Von Teese, Stefania est une top-modèle australienne. Et elle a décidé, il y a quelques jours, d'emboîter le pas à la campagne lancée sur les réseaux sociaux par sa compatriote, l'animatrice de télé Ajay Rochester, pour qu'on arrête de dire des femmes non filiformes que ce sont des «tailles plus».

Le mouvement, intitulé #droptheplus, «laissez tomber le plus», vise à faire disparaître les catégories artificielles entre les types de femmes. Qu'est-ce qu'une plus?, demande-t-elle.

Et la question doit être posée.

Au Canada, la taille moyenne d'une femme est 1,62 m pour 66 kg. Cette femme porte-t-elle du 0 ou du 2 comme les mannequins que l'on voit dans les défilés, les pubs ou les reportages de mode des magazines?

Non.

Alors qui est hors-norme?

Est-ce aux mannequins aux corps dans la moyenne qu'on devrait coller un plus? Ou pas plutôt les autres qu'on devrait qualifier de moins...

Aucune de ces réponses.

Selon Ferrario, une mannequin, c'est une mannequin, c'est tout, peu importe la couleur de sa peau ou ses mensurations. Et c'est pour cela qu'elle s'est photographiée pratiquement nue, en écrivant sur son ventre, façon Femen: I am a model. Je suis une mannequin. La photo, affichée sur les réseaux sociaux, a fait le tour du monde.

Et elle a raison, la catégorisation n'a plus aucun sens.

L'automne dernier, la marque Calvin Klein a fait appel à la magnifique Myla Dalbesio pour une campagne de pub pour ses sous-vêtements. Myla n'est pas taille 0 mais pas 16 ans non plus. Elle est quelque part dans la moyenne.

Et Myla se l'est fait reprocher.

On lui a dit qu'elle n'était pas assez ronde pour être vraiment une «plus», ce qui a privé Calvin Klein de la sympathie réservée aux marques utilisant des mannequins de grande taille.

Alors où doivent aller les mannequins de taille juste moyenne ? Les 8, par exemple? Même les 10...

Celles qui mesurent 1,62 m et pèsent 66 kg...

Heureusement, ce monde de la beauté, rempli d'aberrations du genre, est en train, tranquillement, de se transformer.

De se diversifier. Enfin.

Le simple fait que Stefania puisse propulser une campagne contre les étiquettes montre qu'on est rendu à une autre étape de l'intégration des femmes aux corps de taille moyenne dans l'imagerie de la beauté.

Avant, on était juste contentes qu'on leur fasse une place.

Maintenant, on veut mieux aménager cet espace.

Et, bonne nouvelle, cette ouverture à la diversité passe par plusieurs autres chemins.

Les visages plus âgés prennent de plus en plus leur place, comme ceux de l'actrice Helen Mirren, de l'écrivaine Joan Didion ou de la comédienne Jessica Lange, dans les campagnes de produits de beauté et de vêtements.

Les allures atypiques sont aussi de plus en plus courantes.

Saviez-vous qu'il y a maintenant des femmes qui défilent portant des vêtements d'homme ? Des transgenres sur les passerelles féminines? Et avez-vous vu que l'actrice américaine trisomique Jamie Brewer a défilé à la New York Fashion Week pour la designer Carrie Hammer?

Avez-vous remarqué, aussi, la spectaculaire Winnie Harlow, atteinte de vitiligo, une maladie qui décolore sa peau par taches? On s'est moqué d'elle toute sa jeunesse et la voilà maintenant non seulement sur toutes les passerelles mais dans une campagne de pub de la marque Diesel.

Le magazine américain Marie Claire a consacré tout un reportage récemment à ces beautés qui redéfinissent la beauté.

J'ajouterais même, bien que je sache que vous êtes plusieurs à la trouver cruche et artificielle, que Kim Kardashian, petite, pour le moins courbée, omniprésente dans les médias sociaux avec son mari le rappeur homme d'affaires Kanye West, contribue à cette évolution, en proposant une image corporelle bien différente de celle qui a dominé les médias pendant des décennies.

Quand on la voit, on se dit qu'on est loin de l'époque pas si lointaine où, entre Twiggy et Kate Moss, Gwyneth Paltrow et Paris Hilton, il n'y avait pas grand-place dans les magazines de mode, à la télé ou sur les grands écrans pour autre chose que la silhouette à la Jane Birkin et la longueur de jambes de Claudia Schiffer.

Est-ce la démocratisation de la diffusion des images permise par les médias sociaux qui est en train de briser la tyrannie des modèles uniformes? Est-ce attribuable à l'attitude des femmes du millénaire, ces jeunes dans la vingtaine à la Lena Dunham, qui n'ont juste pas envie de se faire imposer comment être et comment penser? Est-ce parce que le marché est finalement en train de comprendre qu'il laisse beaucoup d'argent sur la table en n'écoutant pas les consommatrices dire que les images irréalistes ne les convainquent plus d'acheter?

Ou peut-être un peu de toutes ces réponses...

La diversité n'est pas encore acquise.

Mais on commence à voir des brèches dans le «mur-à-mur» filiforme et blanc que le monde de la mode et de la beauté nous a imposé depuis des décennies.

Et ça, les brèches, ça permet à l'air, aux idées et à la lumière de passer.