Le suspense - qui n'en était plus vraiment un tellement les signes avant-coureurs étaient évidents - a finalement pris fin cette semaine: la députée néo-démocrate torontoise Olivia Chow a démissionné de son poste à la Chambre des communes pour annoncer officiellement qu'elle se lançait dans la course à la mairie de la quatrième ville en importance d'Amérique du Nord. Métropole qui, comme vous le savez, a actuellement un maire plutôt particulier.

Hier, pour marquer le lancement de sa campagne, son équipe a organisé un rassemblement dans une église de St. James Town, le quartier modeste où elle s'était installée avec sa famille en arrivant au Canada, de Hong Kong, en 1970, à l'âge de 13 ans. Là, en matinée, quelques centaines de partisans enjoués l'attendaient, de tous les âges, de toutes les origines ethniques et religieuses, de toutes les couleurs de cheveux - j'ai vu du fuchsia, du cramoisi, du vert...

«Olivia, Olivia...»

Il était difficile, vu le lieu, vu l'enthousiasme et vu la situation particulière que vit la ville, de ne pas penser à des métaphores de messie...

«On a besoin d'un nouveau maire pour une meilleure ville et je suis ici pour postuler pour l'emploi», a finalement lancé, après quelques phrases, celle qu'au Québec, on connaît surtout parce qu'elle était mariée avec feu Jack Layton, ancien leader du Nouveau Parti démocratique.

La foule s'est remise à crier...

Personne ne parle d'oliviamania pour le moment. Et puis, on était en territoire conquis. Mais cette femme de 57 ans, menue, décidée, à la voix douce, sait clairement comment aller chercher ses fans.

«Olivia, elle a le pouvoir de convaincre et de rassembler tout le monde», affirme Laura Aquilla, une étudiante qui s'est portée volontaire pour aider la campagne. «Elle, elle va s'arranger pour que les choses se fassent», ajoute Dillon Waldron, un autre étudiant venu appuyer la candidate. «On va aller sonner aux portes pour elle, c'est clair», ont-ils ensuite lancé en choeur.

- Êtes-vous aussi enthousiastes et déterminés parce que l'adversaire à abattre s'appelle Rob Ford?, leur ai-je ensuite demandé.

- Ford? On en est tellement revenus, a répondu Dillon. On est ici pour qu'elle soit élue. Pas pour défaire quelqu'un. Tout part d'elle.

- Lui, il est surtout un problème pour lui-même, a ajouté Laura.

Plus loin, Angela Zhu et Jonathan Weier, aussi étudiants, se réjouissaient tout autant de leur candidate. Je leur ai posé la même question. «On ne va pas mettre plus d'énergie dans ces élections à cause de l'adversaire. On va mettre plus d'énergie à cause de la qualité de la candidate», a répondu Jonathan. «Elle est comme tellement le changement dont la ville a besoin, a ajouté Angela, qui est originaire de Vancouver. C'est un peu à cause d'elle que j'ai choisi de venir m'installer ici...»

Lorsque les journalistes ont demandé à Mme Chow quel message elle lançait à Rob Ford, celle-ci a répondu avec une ligne politique que les Torontois risquent d'entendre pas mal souvent: «Ce n'est pas juste des scandales qu'il faut parler, c'est aussi des politiques ratées.»

Cela dit MmeChow n'a pas totalement évité de parler des problèmes d'alcool et de drogue du maire. Elle y a fait subtilement allusion en disant que ce n'était pas le genre de personne qu'elle voyait comme modèle pour ses petits-enfants.

Mais elle entend, de toute évidence, plonger tête première dans les sujets municipaux pratico-pratiques, pour aller chercher des appuis dans des segments de la population aux revenus modestes, sensibles notamment aux questions de taxation, qui ont tendance à favoriser le maire actuel. Car, grâce à ce discours très anti-taxe, anti-dépenses, celui-ci continue d'aller chercher une part significative des appuis dans le public. Oui, malgré le crack, l'alcool, etc.

«Moi, je sais ce que c'est de prendre les transports en commun et être entassée dans un autobus ou un wagon de métro trop plein, a lancé Mme Chow. Le temps est venu de mettre la ville sur la bonne voie.»

Olivia Chow n'est pas la seule à se présenter contre Rob Ford. Il y a aussi Karen Stintz, une conseillère municipale à l'ordre du jour plutôt conservateur, tout comme John Tory, ancien leader du Parti progressiste conservateur ontarien et animateur de radio, qui fait lui aussi maintenant officiellement campagne. Certains croient que cette division du vote anti-Ford pourrait favoriser le maire sortant aux élections qui aura lieu à la fin d'octobre prochain. Il est fort probable que certains se rallient en cours de route.

Mais pour le moment, les coups ont déjà commencé parmi les anti-Ford. Un conseiller de l'équipe Stintz, par exemple, a ressorti une vieille histoire au sujet de Chow et de Layton, qui a fait couler un peu d'encre en 1990, mais n'a jamais cessé de les hanter. Le Star avait alors révélé que le couple vivait dans une coop subventionnée par le gouvernement fédéral, même si les revenus combinés des deux politiciens - elle était alors commissaire scolaire et lui conseiller municipal - étaient de 120 000$. Le couple n'agissait pas illégalement car il était prévu que la coop ait des habitants de revenus variés, histoire de garantir une mixité sociale. Mais l'image du couple progressiste a été atteinte et ceux qui veulent aujourd'hui dépeindre Mme Chow comme une dépensière irresponsable d'argent public n'ont pas manqué de ressortir l'affaire des boules à mites.

Les Torontois en ont encore pour sept mois.