Robyn Doolittle a 29 ans. Elle travaille au Toronto Star, où elle couvre les affaires municipales après avoir commencé aux faits divers. La primeur de la vidéo du maire Rob Ford qui fume du crack, c'est elle. Celle-là, et plusieurs autres au sujet des frasques éthyliques, fréquentations criminelles et autres incongruités comportementales du maire de Toronto.

La jeune femme, qui est devenue une star du journalisme canadien au cours de la dernière année, vient tout juste de publier Crazy Town, ou « la ville folle », un livre portant sur le maire Ford, sa famille, leur histoire, leurs ambitions - ils veulent être les Kennedy du Canada - leur cheminement vers la mairie et tous les dessous de cette surprenante réalité municipale que vivent les Torontois, celle d'avoir un maire polytoxicomane non repenti.Grâce à son talent et à l'intérêt du monde entier pour l'improbable histoire de Ford, Robyn est en demande partout. De Gawker au New York Observer.

«Au moins maintenant, avec mon livre, j'ai une bonne raison d'être interviewée», explique-t-elle lors d'un entretien téléphonique. «Avant, c'était souvent inconfortable parce que l'histoire, c'était l'histoire, pas moi.»

Maintenant, elle est partout. Vous l'avez peut-être vue jeudi au Daily Show de Jon Stewart. Le site américain Gawker a organisé une fête pour la sortie de son livre. Le New York Observer en parle.

Elle est aussi devenue une partie de l'histoire.

Il y a eu une mini-controverse dans les médias sociaux au sujet d'une photo parue dans le magazine Flare dans le cadre d'un reportage sur son livre, une photo que certains internautes ont jugée trop sexy ou, du moins, trop stéréotypée...

L'avez-vous vue? Savamment photographiée, sa jeune beauté lui donne l'air d'être la vedette de cinéma qui l'incarnera dans le film à venir. Car oui, Hollywood est déjà officiellement intéressé par l'affaire. Et pourquoi ne le serait-on pas? On n'est pas dans House of Cards et Doolittle n'est pas Zoe Barnes, la jeune journaliste de la série de politique fiction de Netflix. (Et Doolittle ne veut surtout pas être comparée à cette Zoe au sens éthique et à l'intégrité plutôt flous). Mais on vogue dans des eaux aussi fascinantes.

Le livre, d'ailleurs, se lit comme un roman. On suit la journaliste pas à pas dans son travail. Elle nous raconte comment elle est entrée en contact avec celui qui lui montrera LA fameuse vidéo du maire en train de fumer du crack alors qu'il était en état d'ébriété avancée. On la suit dans les bars de Toronto et les adresses perdues des banlieues de la Ford Nation, où se trouvent les personnages qui lui permettront de mettre ensemble les morceaux du puzzle. «Je savais tellement de détails! Au moins, avec le livre, j'ai finalement pu tout raconter», dit-elle.

On apprend, notamment, que Ford consomme des drogues dures depuis plusieurs années et que sa femme, Renata, a tenté d'aller lui chercher de l'aide à cet égard, peu de temps après son élection en 2010.

Doolittle n'est pas chroniqueuse ou éditorialiste. Donc, elle n'exprime pas d'opinions sur le maire. Mais elle raconte ce qu'il est, comment il se comporte. Elle relève mille faits et gestes. Son seul commentaire: il devrait peut-être prendre du temps pour se soigner, pour chercher de l'aide afin de régler ses problèmes. «Tout ce que je veux avec ce livre, c'est que tout le monde puisse connaître tous les faits», dit-elle. Le reste est dans les mains des électeurs.

Et elle croit qu'il pourrait très bien être réélu puisque ses partisans continuent de s'identifier à son côté très populiste et son refus catégorique des augmentations de taxes. «Et tous ses électeurs savent depuis le début de sa carrière politique que ce n'est pas un scout», note la journaliste.

La jeune femme ne croit pas que les comparaisons avec Chris Christie, le gouverneur du New Jersey, tiennent la route. Malgré sa corpulente truculence évoquant celle de Ford, Christie a une attitude différente en ce qui concerne ses responsabilités envers les électeurs. Il a des conseillers autour de lui et il s'explique publiquement. Ford, lui, ne répond pas aux questions sur son comportement. Il ne laisse pas les journalistes lui parler de ses problèmes et comment cela affecte ses capacités à gouverner. Alors peut-on dire qu'il est le Silvio Berlusconi du Canada? «Peut-être que la comparaison peut se faire... La même absence de honte», affirme Doolittle.

La journaliste entend-elle poursuivre l'enquête? Elle va couvrir les élections à la mairie de Toronto le 27 octobre prochain. Ensuite, elle aimerait se rediriger vers l'agroalimentaire et les enjeux environnementaux liés à l'alimentation.

Très hâte de lire ce livre-là aussi.