J'avais à peine raccroché le téléphone. Mon garagiste, gentil comme tout, venait de m'apprendre que cette fois, ça coûterait 1200$. Oui, rien de moins. Des problèmes de transmission. Les freins ABS. Les pneus d'hiver à enlever et à remplacer par ceux d'été. Un changement d'huile en retard et donc hautement nécessaire.

J'étais, donc, en train de blasphémer intérieurement contre ma voiture et le ridicule élevé de la situation, quand le courriel de la salle de rédaction est arrivé.

«On a un scoop. Apparemment, l'an prochain, il y aura un nouveau système hyperconvivial de location de voiture... Un truc à la BIXI.»

Quoi?

Je sais, je sais, ça fait mille fois que je dis que je vais la vendre cette%*&%!! d'auto, mais cette fois-ci, j'avoue qu'en lisant ceci je me suis dit ça. Ou à tout le moins, que je venais de me rapprocher sérieusement de la mise à exécution de mon plan.

Imaginez. Si ce système avait été fonctionnel, j'aurais pu aller chercher tous mes enfants à toutes les écoles et les déposer à tous les entraînements de ceci et cela, aller au bureau, revenir, faire l'épicerie, un coup partie.

Et pour combien? À 16$ de l'heure, approximativement, si on se fie aux tarifs du système de Vancouver, car2go, ça m'aurait coûté probablement 32$ maximum. Trente minutes de maman-taxi. Quarante minutes de plus pour le bureau aller-retour. Un arrêt ici et là pour les courses.

Imaginez tous les déplacements que je pourrais faire ainsi pour 1200$.

Et je ne vous parle même pas de mon dernier plein à 104$!

Et si on n'avait plus à être fataliste devant les sommes hallucinantes que l'on dépense pour la voiture, autant en essence qu'en réparations et en assurances - sans compter les contraventions? Et si même les derniers obstacles nous empêchant de dire au revoir de façon réaliste à la possession privée d'une voiture s'effaçaient enfin...

En combien de mois, dites-moi, je récupère assez d'argent pour accrocher une oeuvre d'Edward Burtynsky dans mon salon?

* * *

Je ne sais pas comment va fonctionner ce système au jour le jour, sinon que le tout se veut convivial et que le but de l'opération est de permettre aux membres de louer une voiture sans avoir à la réserver, sans avoir de limite de temps préalablement bloquée et sans lieu de retour fixe. Donc on s'éloigne du système Communauto pour être encore plus souple.

Plusieurs villes se sont déjà lancées dans la mêlée avec le système car2go, qui propose ainsi des Smart totalement à la carte: Vancouver, Hambourg, Ulm, Austin au Texas... Montréal, donc, serait parmi les «adopteuses précoces». Bravo.

Bravo, car avec un tel système, on tient compte de toutes sortes de réalités montréalaises et de besoins en transports que le réseau de la STM, les BIXI et même Communauto ne peuvent satisfaire.

Ceux qui n'ont pas d'enfants, pas d'épiceries monstrueuses à faire quasi quotidiennement pour des ados aux appétits d'ogre, ceux qui sont parfaitement en forme pour courir après le bus et qui n'ont pas à faire l'aller-retour quotidien chez leur mère à l'hôpital ou leur grand-tante à l'hospice peuvent facilement compter sur les vélos en partage ou le métro ou le bus pour leurs déplacements.

Mais quand on fait par exemple du covoiturage pour emmener ses enfants et ceux des voisins à plusieurs entraînements de soccer ou de hockey différents, ou si on a à transporter un parent non mobile ou à faire toutes sortes de déplacements complexes durant la journée pour le travail, avec arrêts multiples, la plupart des solutions mises de l'avant par les apôtres du transport écologique ne tiennent pas.

Sauf celle-ci. Du moins sur papier.

Garantissez-moi qu'il y aura toujours, pas mal proche de chez moi, une voiture disponible sur-le-champ pour aller déposer les petits à l'école et filer au bureau ensuite pour être à l'heure à un rendez-vous, et je la vends, ma voiture aux factures de réparation catastrophiques. Demain matin.

Alors, on commence quand?