Lundi, un célèbre chirurgien plastique de Malibu, en Californie, s'est tué dans un accident de voiture. L'affaire a fait beaucoup jaser aux États-Unis.

Pourquoi?

Parce que juste avant de plonger dans le vide au volant de son véhicule, le conducteur a envoyé un «tweet» sur son chien.

Beaucoup se demandent donc, aujourd'hui, si ce n'est pas ainsi qu'il a perdu la maîtrise de son véhicule.

Juste quand on pensait que le port de la ceinture et l'éducation sur la vitesse et l'alcool au volant nous amèneraient finalement vers un monde plus sécuritaire en voiture, voilà que la technologie nous met de nouveaux bâtons dans les rues.

Ici, officiellement, maintenant, nous n'avons plus le droit de prendre nos cellulaires quand nous sommes au volant, surtout pas pour parler mais encore moins pour envoyer des messages textes, courriels ou tweets.

Ceci n'empêche pas les conducteurs de le faire encore constamment. On voit partout des conducteurs au portable collé sur l'oreille. Ce n'est même pas tabou.

La sécurité, on dirait, ne rentre pas dans le crâne des gens à moins qu'il y ait des amendes, des peines, des points d'inaptitude, des campagnes de sensibilisation chocs.

Le gros bon sens ne suffit pas.

Et son absence n'aide pas les automobilistes à plaider leur cause dans le dossier du virage à droite encore interdit à Montréal, sur les feux rouges. Et même un peu sur les feux verts.

* * *

Hier matin, on a appris par la plume de mon collègue Bruno Bisson que le virage à droite au feu rouge a fait pas mal de victimes au Québec depuis sa mise en place en 2003. Selon les données du ministère des Transports du Québec (MTQ) obtenues en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, 657 personnes ont été touchées, en un peu plus de six années et demie d'application. Cinq morts et parmi les 30 blessés graves, surtout des piétons et des cyclistes.

C'est dans le même ordre de grandeur qu'ailleurs où ce virage est permis. Mais c'est assez pour rassurer le directeur par intérim des Transports à la Ville de Montréal, Claude Carette, sur l'à-propos de la décision de la métropole de ne pas permettre le virage à droite au feu rouge.

Le problème, si je comprends bien, est que les conducteurs prennent seulement le temps de bien vérifier s'il y a des voitures qui arrivent sur l'artère perpendiculaire avant de tourner à droite, mais n'attachent pas la même importance aux piétons qui traversent devant eux.

Ce n'est pas demain, donc, que la circulation automobile va se décongestionner avec cette mesure en vigueur pourtant partout au Canada et aux États-Unis, sauf dans la ville de New York.

Montréal, croyez-le ou non, se préoccupe surtout de ses piétons.

La preuve: M. Carette est même convaincu de l'efficacité de ces flèches vertes maintenant omniprésentes dans la ville, qui font qu'à Montréal, non seulement les voitures ne peuvent pas tourner sur la rouge à droite, elles ne peuvent pas non plus tourner sur la verte à droite pendant de longues secondes.

Ces flèches, accompagnées de feux spéciaux pour les piétons, avec décomptes numériques, sont plus nombreuses que jamais depuis la «mise à jour» lancée en 2007 d'environ 800 feux de circulation sur le territoire de la métropole.

Sauf que si le nombre d'accidents avec piétons et «blessés légers» a diminué, de 2008 à 2009, selon les statistiques fournies par la Ville, le nombre de piétons blessés gravement, lui, a augmenté, pour passer de 78 à 87. Et le nombre de décès de piétons, lui, est resté stable à 18.

Donc ces flèches vertes ne sont pas la panacée.

Pourquoi?

Ma théorie: parce que la Ville n'a jamais bien expliqué le changement du feu vert classique au feu vert «amélioré», qui commence par une flèche accompagnée d'un décompte piéton et qui se termine souvent par un feu vert pour automobilistes en même temps qu'une interdiction de traverser pour les piétons.

En fait, les piétons pensent qu'ils peuvent traverser pendant que le feu pour piétons le leur permet et pendant le décompte qui annonce la fin de la permission, et pendant le feu rouge pour piétons. En fait, selon eux, tant que le feu vert rond, lui, est encore allumé, tout est beau.

Or, c'est une erreur de penser ainsi.

Quand le feu vert est allumé mais que le feu pour piétons est rouge (souvent, c'est une main rouge orangé), les piétons n'ont plus le droit d'être dans la rue. Ce court laps de temps est souvent le seul moment où les automobilistes peuvent tourner à droite. D'où leur énervement, empressement, désir profond et immédiat de s'engager dans un virage...

«On fait des campagnes de sensibilisation», assure M. Carette, qui constate lui aussi que les piétons n'ont pas tous encore compris le nouveau système et traînent dans la rue quand ce n'est plus permis. Sauf que ces campagnes se font avec des policiers postés aux carrefours problématiques, qui expliquent aux piétons, un par un, quand ils ont le droit de s'engager ou pas.

Cette refonte massive des feux depuis trois ans environ n'aurait-elle pas mérité une campagne d'explication un peu plus vaste, un peu plus médiatisée?

C'est un peu l'automobiliste qui parle mais aussi la piétonne. Parce que les flèches empêchant les voitures de tourner et tout le ralentissement de la circulation ainsi causé, pour le bien des piétons, ont eu aussi un autre impact: un nombre plus grand que jamais de voitures conduites par des automobilistes exaspérés, qui passent même si le feu a tourné au rouge.

Et ça, ça me fait peur.