Je ne sais pas si vous avez essayé d'avoir une place, à la dernière minute, dans un restaurant participant au festival Montréal en lumière, mais si l'envie vous en prend, sachez que ce n'est pas impossible.

Mais c'est parfois plutôt difficile.

Soirs, midis...

Certains restaurants affichent complet pratiquement depuis l'annonce de la programmation, en décembre. D'autres se sont remplis rapidement au début de l'année. Au Laurie-Raphaël de l'hôtel Germain, par exemple, les tables ont été prises d'assaut, si bien que les propriétaires ont décidé d'annuler la soirée qu'ils avaient prévu faire dans leur restaurant de Québec avec le chef portugais invité, José Avillez, pour ajouter plutôt une troisième soirée à Montréal.

 

Si vous avez appelé chez Toqué! dès le début du mois de janvier, on vous a probablement répondu que toutes les places étaient déjà réservées pour les repas du célèbre chef espagnol Sergi Arola. Même chose pour La Porte, Portus Calle, Graziella, Le Jolifou, Europea, La Fabrique...

La présence éphémère des chefs invités crée un buzz, une sorte d'excitation spontanée due à la nature passagère de l'opération. Combien de fois Arola sera-t-il à Montréal pour cuisiner, dans sa vie? Et le grand Portugais Vitor Sobral, quand reviendra-t-il au Canada? On réagit donc spontanément. Il faut être là. Prendre au vol les places courues.

Montréal en lumière serait-il donc, en fait, une sorte de gigantesque «pop-up»?

Le «pop-up», je vous l'explique de tout de suite, est un des phénomènes du moment dans le monde de la gastronomie.

Comme pop up, en anglais, est une expression utilisée pour parler de quelque chose qui apparaît soudainement, une bulle sortie de nulle part et, par sa nature même, probablement fort évanescente, le pop-up gastronomique fait référence à de la restauration presque événementielle.

Un restaurant est créé de toutes pièces dans un local commercial à louer, dans une résidence privée, dans un jardin, dans un parc. Le dîner en blanc, ce vaste pique-nique annuel aux origines parisiennes, traditionnellement tenu confidentiel jusqu'à la dernière minute, et qui a eu lieu l'été dernier à Montréal au Vieux-Port, est un événement de type pop-up. Tout comme les restaurants et les commerces qui apparaissent dans les rues des grandes villes - Londres, par exemple, les adore - pour mieux disparaître peu après.

Le resto pop-up typique a un aspect provisoire, mais aussi furtif, dérobé. Il peut être ouvert par un grand gastronome dans sa propre maison ou alors voir le jour chez des amis d'un chef qui vient de laisser un établissement et n'est pas encore établi ailleurs. Ou encore, il peut être lancé dans une maison privée, confidentiellement, par un cuisinier amateur qui se trouve assez bon pour recevoir des convives joints par Twitter ou Facebook ou par un réseau de connaissances...

De tels concepts existent à Montréal depuis toujours. Le tout est d'habitude tenu assez caché, mais - est-ce à cause des réseaux sociaux sur le web qui diffusent rapidement ce genre d'information? - on entend de plus en plus parler de ces soirées tenues dans des résidences privées où, en échange d'un «don», on sert à manger, parfois même à boire, selon que la formule est «apportez votre vin» ou non.

On y rencontre des foodies intéressés à l'idée de rencontrer d'autres amateurs de bonne cuisine, qui comme eux, sont prêts à partager cette passion pour des prix souvent raisonnables. Nombreux sont aussi les gourmands qui aiment bien le côté marginal, anti-nappe blanche, de ces tables inusitées. On tombe aussi souvent sur de jeunes adultes attirés par le côté à la fois alternatif et exclusif de la chose. Manger chez Hidden Market ou chez les 2Capricieux ou chez Underground a quelque chose d'assez tendance, branché...

On envoie un courriel. On réussit à trouver de la place ou pas. Le lieu du repas est tenu secret jusqu'à ce qu'on reçoive des instructions pour s'y rendre. Sur place, on passe la soirée avec de parfaits inconnus. Parfois, on tombe sur un cocktail dînatoire où se retrouvent une trentaine de personnes. Parfois on est huit autour d'une table, dans une salle à manger si impeccable qu'elle a l'air sortie d'un magazine de déco.

Doit-on appeler ces lieux des restaurants clandestins, avec tout ce que cela évoque d'illégal?

Tout dépend si ce sont des repas nouveau genre entre amis et connaissances ou si c'est de la vraie restauration, explique Clément Falardeau, porte-parole du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation (MAPAQ), qui délivre les permis de restauration. On ne peut pas trancher globalement sur tous les pop-up. Tout dépend d'une foule de facteurs allant de la régularité de l'offre à la nature des échanges en argent entre les invités et la personne qui reçoit.

Car les prix sont variés. Il y en a qui demandent 25$ par personne, d'autres 125$. Oui, 125$, ce qui peut être plus cher que certains repas de Montréal en lumière.

* * *

> À essayer: la cuisine du chef Luis Americo. Moderne, précise, savoureuse, un coup de coeur du festival. Au restaurant Newtown. Et, miracle, il reste de la place pour ce soir!

> Saviez-vous que... la tempura japonaise est d'origine portugaise?