Si vous regardez la documentation du volet gastronomique du festival Montréal en lumière, cette année, vous ne remarquerez nulle part le nom d'un quelconque organisme gouvernemental portugais «subventionneur».

Si le Portugal est représenté par des dizaines de chefs et de vignerons cette année, si on parlera portugais un peu partout dans la ville, si on mangera non seulement des sardines et de la morue salée mais aussi chevreau, cochon de lait, coques et autres délices aux parfums fumés de chouriço, c'est parce que, lorsque Lisbonne s'est retirée du projet, des dizaines d'entreprises portugaises se sont réunies, ont relevé leurs manches et ont décidé de trouver une solution. Ensemble, elles ont investi leurs propres deniers pour créer de toute pièce l'entité privée Les Grands vins du Portugal, qui veillera à ce que la gastronomie portugaise profite de la vitrine offerte par Montréal en lumière.

 

Ce revirement n'aurait probablement pas été possible sans les efforts nourris de l'ambassadeur non officiel du Portugal à Montréal, Carlos Ferreira, l'entrepreneur gourmand qui a lancé le Café Ferreira il y a plus d'une douzaine d'années, rue Peel, au centre-ville. Très populaire, ce restaurant qui, servant une gastronomie portugaise moderne et fréquenté par le Tout-Montréal des affaires, aujourd'hui appuyé par le café Vasco da Gama, sert de fenêtre sur la culture lusitanienne actuelle depuis les années 90. Mais lorsque le nom du Portugal a été lancé pour Montréal en lumière, il y a deux ans, il n'était pas question que Ferreira rate l'occasion d'ouvrir cette vitrine encore plus grand.

C'est donc lui, avec l'aide d'Alyne Carmeline-Russo, une agente représentant plusieurs producteurs portugais, qui s'est retourné, a relancé le projet, a mis les producteurs au courant de ce retrait gouvernemental et a ouvert la voie pour qu'ils investissent les 100 000$ qui auraient normalement été fournis par un organisme de l'État, explique Germaine Salois, directrice du volet gourmand de Montréal en lumière.

Sans patience pour les tergiversations bureaucratiques, Ferreira est allé cogner directement aux portes cruciales. Et le projet a décollé.

Il faut dire que ce Montréalais originaire d'Aveiro, la région des marais salants, juste au sud de Porto, s'est donné comme mission personnelle de faire découvrir réellement son pays de ce côté de l'Atlantique.

Quand je lui ai demandé pourquoi il avait mis autant d'énergie à organiser le festival, à trouver les chefs et les producteurs, et encore aujourd'hui à faire visiter son pays aux journalistes et aux restaurateurs montréalais, il n'a pas hésité: «Quand je parle du Portugal, on me sort tellement de clichés! À un moment donné, je me suis rendu compte que ça commençait à me fatiguer pas mal.»

C'est ainsi qu'il s'est mis en tête de montrer le Portugal qui existe aujourd'hui, au-delà de l'image amenée avec la première vague d'immigration, au début des années 50, et qui peut parfois sembler encore un peu figée. Il veut qu'on connaisse le Portugal au-delà des sardines et du bacalhau, le Portugal spectaculaire du Douro et de ses grands vins, le Portugal James Bond de la région d'Estoril (la côte au nord de Lisbonne, dont les casinos et hôtels de luxe étaient fréquentés par les espions durant la Seconde Guerre mondiale, et où Ian Fleming a écrit Casino Royale), le Portugal romain d'Evora, le Portugal très «Pied de cochon» de l'Alentejo, le Portugal urbain et moderne de Lisbonne...

Les chefs et les producteurs de vins invités au festival cette année représentent donc tous ces Portugal différents.

Hier, le chef Paulo Pinto a ouvert le bal avec ses petits plats minutieux au Decca 77. Ce soir, c'est le président d'honneur, Fausto Airoldi, qui tentera de faire voir chez Ferreira ce qu'on peut cuisiner de précis, de moderne et de très simple avec des produits portugais classiques mais non clichés. Le pétoncle, le moscatel, le jambon de porc à pattes noires (porco preto), les pignons, les fleurs d'Algarve...

«La clé de ma cuisine, c'est d'être simple. De ne pas mélanger trop d'ingrédients», a expliqué le chef, hier, peu après son arrivée à Montréal.

Lorsque quelqu'un lui a demandé ce qu'il espérait laisser ici, comme trace, il a répondu sans hésiter: «Ma culture, j'aimerais laisser ma culture.» Des idées, des saveurs, une compréhension du Portugal plus complexe que celle que l'on a. Comme Carlos Ferreira, il veut qu'on comprenne que le Portugal ne se résume pas aux images toutes faites de poulet rôti et de sardines. «L'Espagne, on le sait, c'est beaucoup plus que de la paella, note-t-il. Et l'Italie, ce n'est pas que de la pizza et des spaghetti. Le Portugal aussi, c'est beaucoup plus.»

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> Où manger: Au moment de mettre sous presse, il restait encore quelques places pour le repas de Fausto Airoldi au Ferreira Café, ce soir.

> Que boire: Le producteur Dick Niepoort, qui représente la quatrième génération d'une famille de vignerons traditionnellement spécialisés en porto dans un spectaculaire vignoble dans la vallée du Douro, est arrivé en ville hier pour faire connaître son porto mais aussi ses vins secs, que l'on connaît moins. À essayer.

> Saviez-vous que... 46 000 Montréalais d'origine portugaise habitent la métropole, selon le recensement de 2006?