La liste des problèmes que doit régler Montréal est longue et ardue. Alors pourquoi, en attendant, ne pas commencer par de petites choses, des transformations peu coûteuses qui peuvent, elles, commencer à changer la ville? Pour glaner des idées durant cette campagne électorale municipale, la chroniqueuse Marie-Claude Lortie est allée rencontrer plusieurs Montréalais amoureux de la métropole. Voici l'homme de théâtre et auteur René-Daniel Dubois et son souhait pour la cité.

René-Daniel Dubois, écrivain, homme de théâtre, comédien et citoyen au regard furieusement et intelligemment critique sur notre société, m'avait donné rendez-vous à l'angle des rues Sherbrooke et Université. L'idée était de partir ensuite ensemble à pied, avec le photographe, à la recherche de trottoirs bloqués par des chantiers de construction et d'autres obstacles à la marche, sujet de cet article.

 

En fait, tel que soupçonné, on n'a pas eu à bouger pour prendre les photos: un trou béant était juste là, sous nos yeux, empêchant les piétons de monter la rue Université du côté ouest. Il y avait aussi des clôtures de métal pour ponctuer le tout et beaucoup de panneaux orange indiquant à tous où ne pas aller.

Bref, nous avions droit à un chantier classique, comme tous ceux qui se font, se défont et se refont constamment et absurdement dans nos rues, donnant à notre ville une allure constante de désordre et d'inachevé. Or ce perpétuel état repoussoir pour marcheurs et flâneurs, c'est exactement ce dont M. Dubois voulait parler.

Plus tard, pour revenir au journal, j'ai marché jusqu'à l'avenue du Parc pour descendre ensuite vers le Vieux-Montréal. Évidemment, traverser ce qu'on appelle le Quartier des spectacles, une zone vastement éventrée par les travaux, n'est pas la meilleure façon d'éviter les épreuves, direz-vous, mais honnêtement, je ne me rappelle pas avoir jamais vu autant de panneaux «trottoir barré»... Et je ne me rappelle pas avoir eu à changer de côté de rue aussi souvent. Tout un parcours.

J'ai même eu à me battre avec une clôture de métal protégeant un trou lorsque je me suis finalement décidée, rue Sainte-Catherine, à terminer ma balade en Bixi.

 

De telles petites promenades révélatrices, M. Dubois aimerait que nos personnalités politiques municipales en fassent souvent. Pour les ramener sur le plancher des vaches et des électeurs, et qu'ils cherchent ainsi beaucoup mieux de réelles solutions aux problèmes terrestres, il souhaiterait même qu'ils en fassent tous les jours.

«À pied!» lance-t-il aux politiques qui briguent la mairie. Interdisons aux élus de posséder une voiture et limitons leur accès aux taxis et aux chauffeurs (car cela serait trop facile pour le maire). Obligeons-les à prendre l'autobus, le métro, le vélo et à marcher.

«Pas plus de deux taxis par semaine», précise l'artiste. «Qu'ils les voient, eux aussi, les trottoirs défoncés et les échangeurs et les carrefours impossibles à traverser où il faut sprinter pour passer de l'autre côté de la rue...»

Qu'ils les prennent, les autobus bondés, continue M. Dubois. Qu'ils aillent faire la queue devant le guichet du métro parce que leur carte Opus ne marche pas, qu'ils ratent leur métro après avoir attendu trop longtemps...

La liste des récriminations est longue et drôle. «Des fois, en courant d'un bord à l'autre d'un carrefour, car les délais sont très courts avant que le feu ne devienne rouge, je me demande comment font ceux dont la motricité est réduite. Prennent-ils un taxi pour traverser?»

«Le nouveau système de paiement de la STM? La Carte orange, à Paris, en 1978, marchait mieux...»

«Quand j'aurai à me rendre à l'aéroport de Dorval, lorsqu'ils auront commencé les travaux à Turcot, je crois que je vais prendre le métro jusqu'à Laval et ensuite sauter dans un taxi...»

L'écrivain sait très bien que son rêve d'exiger que les politiques abandonnent leur voiture n'est pas réaliste. Mais demander aux élus de justifier leurs déplacements en voiture, en ces temps de remise en question environnementale, est loin d'être farfelu.

Et prendre le métro, le Bixi ou marcher ne devrait pas être réservé uniquement aux mises en scène organisées pour les caméras et les photos. Cela devrait faire partie du quotidien des élus. À moins qu'ils fassent du sérieux covoiturage, qu'ils aient des problèmes de santé ou qu'ils aient plusieurs enfants à aller chercher à l'école et à conduire au hockey ou au soccer...

Parmi les candidats à la mairie, Richard Bergeron, de Projet Montréal, est le seul à ne pas posséder de voiture. Le maire sortant, Gérald Tremblay, se balade avec son chauffeur dans sa voiture de fonction. Et Louise Harel, quand elle n'est pas en campagne et donc dans une Toyota Yaris conduite par une bénévole, se déplace en Volvo.

Mais au moins, ils ne font pas comme le maire de New York, Michael Bloomberg, grand promoteur de l'utilisation des transports en commun, pris en 2007 en flagrant délit de se faire transporter en VUS de chez lui jusqu'à une station spéciale lui permettant de prendre un métro express vers l'hôtel de ville! Et ce, chaque fois qu'il «prenait le métro» pour aller travailler...

Photo: Robert Mailloux, La Presse

René-Daniel Dubois