«Alors, je devrais paniquer?»

Une urgentiste calée côté maladies infectieuses est au bout du fil, entre deux patients.Je suis un peu gênée de lui faire prendre le temps de sa pause café pour répondre à mes questions, sauf que j'ai un problème. Je suis incapable de m'inquiéter à la suite de la décision de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) de déclarer officiellement une «pandémie» de H1N1. Est-ce grave, docteur?

«Non, pas du tout. Aucun besoin de paniquer. La réalité, c'est que c'est actuellement une maladie tout à fait bénigne. Moins morbide et moins mortelle que la grippe saisonnière habituelle. Sauf que c'est vrai, oui, il y en a partout.»

Partout?

Oui, partout. Dans les garderies, dans les écoles, dans les bureaux, chez le personnel hospitalier.

«Juste aujourd'hui, j'ai dû rappeler 30 patients pour leur dire qu'ils avaient des résultats positifs.»

Et puis?

Et puis, rien du tout. Dans 99,9999% des cas, le patient va bien après deux ou trois jours. Et même moins.

La maladie est à ce point bénigne dans certains cas - on ne parle pas, évidemment, des gens dont le système immunitaire est affaibli et qui sont vulnérables - que des gens l'ont attrapée sans le savoir. Ils pensaient avoir eu un petit rhume. Ce sont des tests effectués auprès du personnel hospitalier, même asymptomatique, qui ont montré ce phénomène.

Sauf que lorsque le médecin appelle à la maison pour dire à un patient qu'il fait maintenant partie officiellement des cas de H1N1 répertoriés, l'ex-malade s'inquiète quand même. «Les gens pleurent au bout du fil, même s'ils sont redevenus en parfaite santé», me raconte un médecin. Comme s'ils refusaient de croire à cette banalité. Et que les organismes de santé publique ne réussissaient pas à trouver les mots justes et les moyens efficaces pour à la fois nous calmer et expliquer leur état d'alerte.

Qu'ils surveillent la situation d'aussi près nous inquiète en soi. Et les décès qui ont fait les manchettes, chez les jeunes gens en santé, au Mexique, au début de la crise, fin avril - cas encore pas complètement élucidés - n'ont pas aidé.

Pourtant, il est maintenant officiellement dit que le taux de mortalité du virus est bas. Un peu plus et on aurait presque envie de l'attraper maintenant cette bestiole, histoire de se bâtir quelques anticorps juste au cas où elle décidait de muter et de devenir plus féroce.

Le problème, c'est qu'il n'y a pas que le H1N1 qui circule, il y a aussi la grippe saisonnière classique. En tout, trois virus se baladent encore, me dit-on. Et comme personne n'a envie d'attraper une grippe qui pourrait s'avérer pénible et dangereuse, vaut mieux continuer de suivre les recommandations anticontagion qui ont été diffusées au sujet de la H1N1. En se lavant bien les mains avec du savon, en ne touchant pas les gens qui ont des symptômes... Et en se mettant un masque, quand on est malade, pour ne pas pulvériser sa maladie sur tout le monde, on aide à prévenir la propagation de tous les virus. Une bonne idée, car il y a toujours, partout, des gens au système immunitaire affaibli.

Mais est-on devant un SRAS no 2?

Tellement pas!

Même l'OMS parle de «sévérité modérée» et ne s'attend pas à une hausse subite de la mortalité même en cas de deuxième vague renforcée avec le retour de la saison grippale à l'automne.

La maladie a fait officiellement 144 morts dans le monde, jusqu'à présent.

Les victimes du sida et de la malaria, elles, se comptent par millions. Il y a quelque chose de gênant à regarder les tableaux de statistiques de l'OMS en marge de leurs nombreuses pages d'information concernant la H1N1. Entre le VIH, le paludisme, la diarrhée et la tuberculose, cette grippe a l'air pour l'instant d'une fourmi de pays industrialisés qui toussote et parle à peine avec le nez bouché.