Nos chroniqueurs ont suivi des candidats pendant une journée : tournée électorale, souper, coucher et petit-déjeuner. Cette approche originale a donné lieu à des moments d'une rare intimité. Au menu: politique, couette et café corsé !

Ça devait faire 54 heures et quart qu'on se tapait le classique «porte-à-porte». Le mercure marquait sûrement moins mille et le candidat insistait pour arrêter à chaque maison, incluant celles aux lumières éteintes où une ombre en «jaquette» venait parfois tirer le rideau pour vérifier qui pouvait bien sonner à 20h35...

 

Même l'accompagnateur avait de la difficulté à faire son pointage car son stylo était gelé.

Bref, je n'en pouvais plus de cet exercice de «shunt journalism» électoral consistant à passer 24 heures avec un candidat, incluant dormir sous le même toit et partager des toasts à la margarine le lendemain matin, quand le candidat, Martin Cossette, le libéral de Crémazie qui veut battre Lisette Lapointe, a lancé: «Bon, je pense qu'on a terminé. On rentre.»

Normalement, j'aurais dû alors figer. C'était le moment que je craignais le plus depuis le matin. Le moment d'aller dormir chez le candidat. On a beau aimer «sortir de sa zone de confort» quand on est journaliste, qui a envie d'aller squatter la maison d'un gars que l'on connaît depuis 12 heures à peine, de voir sa famille, sa belle-mère en robe de chambre, la couleur de sa brosse à dents?

Mais j'avais tellement froid et j'en avais tellement assez de sonner chez des inconnus que je n'y ai même pas pensé en partant chez lui.

Quand la porte s'est ouverte, une petite de 3 ans, Laurence, est arrivée en courant et en riant et en criant «Papaaaaaaaaa!» avant de se jeter dans les bras du candidat.

Tout d'un coup, les heures et les heures de poignées de main dont on ne sait pas trop si elles deviendront des votes, les portes qui refusent de s'ouvrir, les sourire gentils, les affiches graffitées, les refus et les accolades du moment se sont envolés.

Ne vous demandez pas comment font les jeunes pères pour concilier politique et famille. Dites-vous que ce sont probablement leurs enfants qui leur permettent de continuer.

Âgé de 33 ans, avocat chez Bell, marié à Marie-Ève Ringuette, comptable, père de Laurence et Eva-Maude, 9 mois, fils de Claudette Maillé, qui prépare une redoutable tarte au sucre, Martin Cossette s'est lancé dans la course électorale pour «faire quelque chose», dit-il. Une sorte de prise de conscience survenue à la naissance de sa plus vieille, une urgence de participer à la vie de la cité avec son bagage d'avocat issu du secteur privé et de père de famille qui sait ce qu'est une liste d'attente en CPE et passer six heures aux urgences.

Candidat-vedette? Pas réellement, mis à part l'incendie de son bureau électoral il y a deux semaines qui lui a valu quelques minutes à la télé et lui permet maintenant de dire à ses électeurs qu'il est capable de se «revirer pas mal vite»: moins de 24 heures après l'incendie, Jean Charest était avec lui pour inaugurer un nouveau local.

S'il est élu, ce qui n'est pas impossible puisque Mme Lapointe n'a remporté la circonscription que par 170 votes en 2007, il devra laisser derrière lui sa carrière d'avocat et sa vie confortable dans le Plateau, pour un horaire écartelé entre Montréal et Québec où la politique prend toute la place. Il entend aussi déménager dans Crémazie. Et laisser derrière lui l'humble duplex qu'il a lui-même transformé en cottage bo-bo qui pourrait avoir l'air d'une page du catalogue de la Maison Corbeil s'il n'avait pas été pris d'assaut par les jouets, chaises hautes et autres classiques en couleurs primaires de la vie préscolaire.

Assise dans mon fauteuil surdimensionnée, sirotant le verre de vin argentin que M. Cossette a sorti de son mini-cellier, je regarde les nouvelles à RDI avec la famille, incluant grand-maman. Comme chez les Obama, elle passe la campagne à garder les petits-enfants. On s'intéresse à un topo sur l'Abitibi (la famille est de Val-d'Or), Martin raconte sa journée...

Tout a commencé par la visite d'un organisme communautaire qui aide les enfants touchés par le VIH où le candidat, par un hasard de la conversation, a offert à la blague les services d'un adjoint habitué à se déguiser en père Noël. Sauf que l'offre a été acceptée sur-le-champ par une organisatrice ravie. «Vous voyez, j'en règle déjà des problèmes», a alors lancé le candidat, visiblement fier de son coup.

La journée s'est ensuite poursuivie à l'hôpital Marie-Clarac, à Montréal-Nord, où la direction a un projet d'agrandissement et a continué rue Fleury, pour du «porte-à-porte.»

Journée au café jus-de-chaussette et aux sandwichs-pas-de-croûte?

Pas du tout. Cannelloni à midi au Petit Flore, rue Fleury. Et espresso bien serré chez soeur Pierre-Anne Mandato, grande patronne de l'hôpital Marie-Clarac, qui arrive dans sa salle de réunion super design avec son voile et son costume traditionnel des soeurs de Sainte-Marie-de-Torino, d'où elle sortira un BlackBerry dernier cri, après avoir discuté gestion et parc immobilier.

Longues 24 heures? Oui, mais étonnantes jusqu'à la dernière minute, puisque qu'elles sont terminées par une partie de quilles à la Wii, avec une dame qui célébrait ce jour-là son 90e anniversaire. Et comment fêtait-elle? En quittant sa marchette pour aligner les abats virtuels.

La prochaine fois que je couvre une campagne électorale, j'apporte ma cassette de Mario Cart.

 

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CRÉMAZIE


Circonscription du nord de Montréal, incluant certaines parties d'Ahuntsic et de Montréal-Nord.

CANDIDATS

Diane Charbonneau, ADQ

Martin Cossette, PLQ

André Frappier, QS

Daniel Hémond, Parti vert

Lisette Lapointe, PQ

RÉSULTATS 2007

36%: PQ

35,5%: PLQ

16%: ADQ

6,4%: QS

5,6%: PV