Ce n'est pas tant l'idée de recycler des idées qui est désolante dans le concept de la suite cinématographique. C'est celle de recycler des idées qui ne sont pas particulièrement bonnes.

Les 3 p'tits cochons n'était pas un mauvais film. Il avait été plutôt bien réalisé par Patrick Huard, qui a eu la bonne idée de ne pas en rajouter. Dans la vie comme au cinéma, il n'y a rien comme l'original. Les 3 p'tits cochons avait connu un beau succès populaire en 2007, malgré un scénario peu subtil et un dénouement hautement prévisible.

Ce même été 2007, Nitro d'Alain Desrochers, dérivé québécois de la «franchise» The Fast and the Furious, a lui aussi attiré beaucoup de spectateurs en salle malgré un scénario qui allait de rebondissement improbable en rebondissement improbable, jusqu'à une fin involontairement tragicomique.

Près d'une décennie plus tard, souhaitant renouer avec tous ces spectateurs (un million de personnes au cumul des entrées des deux films), on remet le couvert. Cet été prendront donc l'affiche Les 3 p'tits cochons 2, réalisé cette fois par Jean-François Pouliot, et Nitro Rush, avec Alain Desrochers de nouveau à la barre.

De l'originalité ou du réchauffé?

Quelques questions s'imposent. N'y a-t-il pas suffisamment d'histoires originales dans les tiroirs des scénaristes québécois, pour qu'on en soit réduit à recycler les récits médiocres de la décennie précédente? Pourquoi encourager le public à découvrir des intrigues inédites lorsque l'on peut se contenter de lui proposer une énième variation sur un thème éculé?

Pourquoi se creuser les méninges lorsque l'on peut servir aux convertis, en les tenant pour acquis, la ration habituelle d'une formule éprouvée?

L'équivalent d'une moulée prémâchée, ingrédient de base d'une alimentation riche en calories vides...

Bien sûr que je comprends la stratégie commerciale. Il est plus simple d'attirer l'attention d'une clientèle sur un «produit» qu'il connaît déjà que sur une proposition artistique sans succès préalable qui ne lui offre aucun repère. Je comprends. Là n'est pas la question.

Je ne suis pas janséniste. Il n'y a pas de mal à vouloir faire de l'argent en divertissant les gens. Il reste qu'il y a dans le phénomène de la suite, à mon sens, un véritable fléau cinématographique, une forme de paresse artistique. Et pour peu que l'on considère le cinéma comme une forme d'art - ce qui est malheureusement mon cas -, on se désespère de voir porté à l'écran autant de recyclage éhonté d'idées si peu originales.

Comment peut-on presser le citron jusqu'au bout? Ronger l'os jusqu'à la moelle? Telles semblent être les questions que se posent producteurs et distributeurs, en cherchant dans les sous-thèmes, les intrigues et les personnages secondaires des manières d'exploiter un filon pour en profiter au maximum. C'est une stratégie mercantile parfaitement valable et compréhensible, mais qui donne rarement de bons résultats du point de vue de la valeur artistique. Pour Les invasions barbares, combien de Boys 4?

Les suites sont la plupart du temps, à mon avis, le résultat d'un manque d'audace et d'inspiration.

Elles sentent généralement le réchauffé, avec leurs trames redondantes, leurs personnages surexploités et leurs dénouements archiprévisibles. Depuis longtemps, la maladie du sequel gangrène le cinéma hollywoodien, qui se mord la queue. Certes, les profits sont là pour me contredire. Mais qu'en est-il de la pertinence? Les Godfather II ne courent pas les rues.

On se console à l'idée que la suite est un modèle d'affaires que le Québec a importé des États-Unis de manière parcimonieuse depuis une vingtaine d'années, comme le constate mon collègue Marc-André Lussier. Hollywood, qui adore la rentabilité et abhorre le risque, a compris depuis longtemps que l'originalité était moins «payante» que le réchauffé. Ce n'est pas le cas au Québec, où la grande majorité des suites a connu moins de succès que les films dont elles sont inspirées.

Mais alors que tout un chacun cherche des solutions à la désaffection du public québécois pour son cinéma, les suites semblent avoir comme jamais la faveur de l'industrie. Dans un an environ, les suites des mégasuccès Bon cop, bad cop et De père en flic devraient prendre l'affiche dans toutes les régions du Québec. Leur succès, sans doute prévisible dans une certaine mesure, n'est pas pour autant assuré. Aurait-on déjà oublié l'impressionnant ratage de Cruising Bar 2?

Même lorsque les suites trouvent leur public, leurs dommages collatéraux sont parfois lourds de conséquences sur le souvenir que l'on retiendra de l'oeuvre originale. Des cinq films de la série des Boys, il y en a eu au moins quatre de trop, à mon humble avis. Leur popularité - et leur pertinence - a décliné de manière constante et irréversible.

Elvis Gratton II - Miracle à Memphis fut 14 fois plus populaire que l'Elvis Gratton original, qui reste la seule oeuvre (un collage de courts métrages) digne de ce nom dans la série. Pierre Falardeau, qui n'en fut pas à un paradoxe près, a accepté que l'on travestisse son personnage subversif en prétexte à gags insignifiants, afin de contenter le public dont il se moquait à l'origine. L'essence d'Elvis s'est évaporée en cours de route, jusqu'au misérable Elvis Gratton XXX - La vengeance d'Elvis Wong.

Les temps sont durs, le cinéma moins populaire - la fermeture définitive du complexe Excentris, annoncée jeudi, en témoigne. On comprend qu'il est nécessaire de trouver un équilibre entre le vieux et le neuf, le réconfort et la découverte, le recyclé et l'original. Serait-ce possible d'y arriver sans trop céder au compromis artistique? Personne n'est dupe du fait que les suites sont, pour l'industrie du cinéma, une solution de facilité. Une façon d'étirer la sauce. Mais quand la sauce est déjà fade...