Ce n'est pas toujours l'oeuvre la plus attendue qui remporte l'Oscar du meilleur film. Crash plutôt que Brokeback Mountain,Shakespeare in Love plutôt que Saving Private RyanHow Green Was My Valley plutôt que Citizen Kane...

Oscars: le quiz de LaPresse.ca »»

Il reste qu'un certain type de cinéma semble plaire davantage aux fameux membres votants de l'Académie des arts et des sciences du cinéma, qui déterminent chaque année le palmarès des Oscars. Les pronostiqueurs ne croient pas se tromper en prédisant une victoire de 12 Years a Slave demain soir.

Y aurait-il une formule pour séduire les électeurs des Oscars ? Sans percer le mystère, une étude publiée le mois dernier par l'American Sociological Review confirme la plupart des intuitions des observateurs, en déterminant un certain nombre de facteurs propices au succès d'un film à la soirée des Oscars.

L'équipe de Gabriel Rossman, professeur de sociologie à l'Université de Californie à Los Angeles (UCLA), a examiné quelque 3000 films susceptibles d'être finalistes aux Oscars entre 1985 et 2009. Grâce à un algorithme de son cru, il a conclu que les oeuvres ayant le plus de chances d'être oscarisées sont les drames biographiques ou historiques. En particulier les drames qui traitent d'exclusion.

Les finalistes de 2014 à l'Oscar du meilleur film, qui n'ont pas fait partie de l'étude, ne semblent pas faire exception à la règle. Parmi les neuf films retenus, six - Philomena, Dallas Buyers Club, American Hustle, Captain Philips, The Wolf of Wall Street et 12 Years a Slave - sont inspirés d'histoires authentiques.

Selon les chercheurs, pour espérer remporter un Oscar, non seulement un film a-t-il intérêt à être « tiré de faits vécus », mais il est préférable qu'il raconte une histoire triste, sombre, émouvante, bouleversante et déchirante.

Cela peut sembler bien cynique, mais toujours selon l'étude de l'équipe du professeur Rossman, les personnages victimes d'injustice ou de racisme, les survivants de l'Holocauste ou les handicapés sont plus susceptibles de marquer les esprits des électeurs de l'Académie. Et de valoir des prix à leurs interprètes.

Selon cette logique, Leonardo DiCaprio, malgré une prestation formidable, parmi les plus marquantes de sa carrière, dans The Wolf of Wall Street, ne devrait pas gagner l'Oscar du meilleur acteur demain soir. L'Académie préférera probablement saluer la rédemption d'un cowboy homophobe (Matthew McConaughey dans Dallas Buyers Club) plutôt que la déchéance d'un requin de la finance sans scrupules. D'autant plus qu'il semble y avoir trop de drogue et de sexe dans le film de Martin Scorsese au goût de certains électeurs.

La qualité d'une oeuvre n'est pas le seul facteur déterminant dans son succès aux Oscars, confirme l'étude des chercheurs de UCLA. C'est malheureux, mais on n'en est pas étonné.

Les films mettant en vedette des acteurs qui ont déjà été finalistes aux Oscars sont davantage appréciés par les membres de l'Académie. Ils ont aussi la mémoire courte, semble-t-il. Ce qui expliquerait qu'ils plébiscitent plus facilement les films dont la sortie en salle est rapprochée de la soirée des Oscars. Les neuf titres concourant demain à l'Oscar du meilleur film ont pris l'affiche après le mois de septembre 2013 (seuls les films sortis avant le 31 décembre sont admissibles).

Pas de formule miracle 

Il n'y a évidemment pas de formule miracle pour déterminer un gagnant aux Oscars. Cela se saurait ! Selon les critères relevés par l'étude des chercheurs de l'UCLA, le film avec le plus grand potentiel oscarisable entre 1985 et 2009 est Come See the Paradise(1990), mettant en vedette Dennis Quaid. Vous n'en avez jamais entendu parler ? C'est normal. Il n'a obtenu aucune nomination aux Oscars et pas davantage de succès auprès du public.

Une oeuvre a beau compter sur tous les « ingrédients » du succès, si la sauce ne prend pas, elle n'a pas d'espoir de remporter un Oscar. Sans compter que de nombreux facteurs n'ayant rien à voir avec l'oeuvre elle-même sont considérés par les électeurs au moment de faire leurs choix.

Une campagne mettant en doute la véracité des faits mis en scène dans le drame biographique Hurricane (sur le boxeur Rubin Carter) du Canadien Norman Jewison avait plombé ses chances d'être oscarisé en 2000. Ce qui prouve les limites de l'avantage du « biopic » sur ses concurrents, démontré par l'étude de Gabriel Rossman.

Dans quelle mesure la controverse entourant les allégations d'agression sexuelle de Woody Allen sur sa fille adoptive nuira aux chances de Cate Blanchett, donnée grande favorite, d'être sacrée meilleure actrice ? On le saura demain soir.

La soirée des Oscars est une émission de télévision très attendue (par 40 millions de téléspectateurs en moyenne aux États-Unis seulement), diffusée dans quelque 200 pays.

La cérémonie des Oscars, avec son strass et ses paillettes, fait toujours autant rêver. Il reste que l'industrie du cinéma hollywoodien se pose de plus en plus de questions sur son impact réel. L'événement a toujours été important pour des films qui, aspirant à une reconnaissance artistique, ne séduisent pas nécessairement les foules.

Grâce à l'imprimatur d'une nomination aux Oscars, ces films réussissent souvent à rejoindre un public qui n'aurait pas la curiosité ou le temps de découvrir un film d'auteur moins médiatisé.

Or, cette année, contrairement aux années précédentes, il n'y a pas eu de réel regain d'intérêt pour les films en nomination. L'industrie n'a pas observé de second souffle au box-office pour des films comme Dallas Buyers Club, Her, Philomena ouNebraska. Si bien que les studios se demandent si l'« effet Oscars » ne s'est pas dissipé en cette ère de cinéma-maison et de baisse de fréquentation des salles.

Ainsi, 12 Years a Slave, principal prétendant à l'Oscar du meilleur film, a cumulé des recettes de seulement 50 millions en Amérique du Nord, malgré tout le battage médiatique. Cela inquiète Hollywood, qui pourra se consoler avec le fait que le film de Steve McQueen marquera certainement l'histoire du cinéma. Contrairement aux Crash, Shakespeare in Love et autres Argo du passé.