Si j'en juge par certains commentaires que je reçois, les rencontres de presse qu'organisent les studios hollywoodiens intriguent. Pour toutes sortes de raisons. La façon dont les Américains mettent leurs films en marché a fait école, pour le meilleur et pour le pire. Elle est même désormais imitée partout dans le monde.

Au Québec et en France, notamment. On rassemble ainsi quelques journalistes dans une pièce et les artisans du film viennent à tour de rôle leur faire un brin de causette. Évidemment, cette formule n'est pas idéale. Car les intérêts des uns et des autres ne concordent pas nécessairement. Un journaliste venu de Montréal n'aura pas tout à fait les mêmes requêtes que son voisin venu du Texas, rédacteur sur un site web spécialisé dans le potinage ou la recherche du scandale.

La machine est bien huilée; les horaires réglés au quart de tour; et le plan de match se déroule habituellement comme prévu. Lors de la rencontre de presse organisée à Los Angeles à l'occasion de la sortie prochaine de Hairspray, l'adaptation de la comédie musicale inspirée d'un vieux film de John Waters, j'ai quand même eu droit à un moment de grâce inattendu.

Disons d'abord que pendant près de quatre heures, nous avons pratiquement pu rencontrer l'équipe au grand complet. John Travolta, Michelle Pfeiffer, Queen Latifah, Christopher Walken, James Marsden, Zac Efron, des acteurs, des producteurs, la scénariste, le réalisateur, alouette. Ils étaient près d'une quinzaine à se succéder à notre table, le temps de bavarder pendant une quinzaine de minutes. Rarement avions-nous vu une délégation aussi imposante.

Alors que personne ne s'attendait à ce qu'il y ait de temps mort avec une ronde d'entrevues aussi chargée, voilà qu'entre deux rencontres, on invite notre joyeux petit groupe à prendre une pause de 20 minutes. Tous les journalistes sont sortis de la pièce sur-le-champ, me laissant tout fin seul avec mon vibrant BlackBerry. Erreur d'aiguillage? Manque de communication entre les différents relationnistes?

Toujours est-il qu'Allison Janney, l'une de mes actrices favorites, entre dans la pièce sans crier gare. «Oh! dit-elle en me voyant. Est-ce le moment d'une entrevue individuelle? Remarquez que je préfère ça!» Et moi de lui expliquer que non, que les autres journalistes sont en pause, qu'ils reviendraient probablement dans une quinzaine de minutes. «Ah! On peut bavarder tranquillement alors?»

Allison Janney est une immense actrice. Reconnue dans le milieu du théâtre, elle s'est imposée dans plusieurs rôles secondaires au cinéma (The Ice Storm, The Hours). Sa prestation dans la série The West Wing, où elle incarne l'attachée de presse du président, lui a valu quatre Emmy Awards, de même qu'une notoriété à laquelle elle n'avait jamais eu droit jusque-là.

Dans Hairspray, elle incarne la mère dévote d'une amie de la jeune héroïne du film. Un rôle court mais amusant, qui n'a requis que trois jours de travail, disséminés sur toute la durée du tournage. «C'est assez difficile car on doit trouver la note juste dès qu'on arrive sur le plateau, observe-t-elle. Ce n'est vraiment pas évident.»

Au cours de notre conversation informelle, il fut beaucoup question du théâtre américain, de l'exercice du métier, du monde qui sépare le milieu théâtral de celui du cinéma et de la télévision. Même en jouant à Broadway, un acteur ne roule pas sur l'or.

«Mais le théâtre est essentiel à ma vie, affirme Allison. Je ne peux imaginer mener une carrière sans monter sur les planches de temps à autre. Même si c'est insécurisant. Quand tu as la chance de tomber sur un beau rôle dans une série populaire à la télévision, tu en profites alors pour en mettre un peu de côté. Ma maison, je la dois à The West Wing!» lance-t-elle en riant.

Peu à peu, les autres journalistes sont revenus. Ils écoutaient notre conversation. Mais les 15 minutes étaient maintenant écoulées. «C'était une belle petite parenthèse, non?» dit l'actrice en quittant, sourire aux lèvres. En effet. Et plutôt rare dans ce genre de contexte...