Durs à cuire, documentaire de Guillaume Sylvestre en forme d'hommage à la gastronomie québécoise, ouvre mercredi le 36e Festival du nouveau cinéma. Il s'agit d'un regard privilégié sur le travail de deux de nos plus grands chefs, Normand Laprise du Toqué! et Martin Picard du Pied de cochon. Deux personnages pouvant paraître aux antipodes - l'un est plutôt réservé, l'autre franchement extraverti -, qui se rejoignent dans leur amour de la cuisine, du vin et des produits de qualité.

Au-delà de ses qualités esthétiques et formelles, Durs à cuire est un film tout en excès, qui ouvre l'appétit. Sauf peut-être lorsque, en visite dans une ferme en Espagne, Martin Picard assiste à l'ablation à froid des testicules d'un cochon. «Ce n'est pas du folklore. Il faut vraiment les retirer pour que la viande ne soit pas contaminée», m'expliquait-il cette semaine. Et moi qui croyais que tout était bon dans le cochon...

Prenant prétexte de la projection de Durs à cuire, j'ai eu envie cette semaine de dresser une liste (j'adore les listes) des films (j'adore les films) sur la cuisine (j'adore manger) qui m'ont le plus marqué. Voici, selon mes critères très personnels, 10 films qui marient particulièrement bien (mais pas toujours pour le mieux) bouffe et cinéma.

1 - Le festin de Babette (1987)

Grand classique du cinéma gastronomique, ce film du Danois Gabriel Axel a obtenu l'Oscar du meilleur film étranger en 1987. Babette (Stéphane Audran), une Française en détresse, trouve refuge auprès d'une famille danoise du XIXe siècle, qui l'engage comme bonne. Pour souligner les 100 ans du patriarche de cette famille protestante très stricte, elle prépare un repas somptueux (blinis au caviar, cailles, soupe de tortues) qui marquera les esprits. Jamais un festin n'avait été aussi bien filmé pour le grand écran. Stéphane Audran a tenu la vedette d'un autre film charmant sur la cuisine, Au Petit Marguery, de Laurent Bénégui, en 1995.

2 - Ratatouille (2007)

Cette année, un rat a fait davantage que quiconque pour combattre la malbouffe et intéresser l'Américain moyen à la fine cuisine. Qui l'eût cru? Ce rat, Rémi, est une création de Brad Bird (The Invincibles) et le héros de Ratatouille, un film d'animation mignon et étonnant. Les images de Paris, créées par ordinateur, sont d'une vraisemblance inouïe. Un film à voir, ne serait-ce que pour cette scène géniale où l'austère critique de restaurant Anton Ego est replongé en enfance par une ratatouille exécutée de main de maître... par un rat.

3 - Eat Drink Man Woman (1994)

Un grand chef retraité (Sihung Lung) est rappelé à son ancien restaurant pour sauver un banquet menacé de tourner au vinaigre. Son pot-au-feu de homards, d'haliotis et de langoustes devrait faire l'affaire. Mais rien ne prépare ce veuf à ce que lui réservent ses trois grandes filles, de retour à la maison. Une comédie sans prétention, rafraîchissante et sincère, réalisée par Ang Lee.


4 - Big Night (1996)

Délicieuse comédie de Campbell Scott et Stanley Tucci, Big Night met en scène deux frères italiens (Tucci et Tony Shalhoub, le Monk de la série télé) qui tentent désespérément de sauver leur restaurateur du New Jersey, au milieu des années 50. Leur cuisine typiquement italienne est filmée avec tellement d'amour (zuppa, risotto, timpano) lors d'une ultime réception orgiaque, qu'on ne peut qu'en être ému.

5 - The Cook, The Thief, His Wife and Her Lover (1989)

Ce film d'une grande beauté esthétique, signé Peter Greenaway, donne libre cours à toutes les perversions de la chair. Une pièce de résistance étonnante est présentée, grillée, dans un grand plat de service vers la fin du repas (on n'en dira pas plus). Sardonique, scatologique, sadique, érotique, et oui, gastronomique. Avec Richard Bohringer (le chef), Michael Gambon (le voleur), Helen Mirren (sa femme) et Alan Howard (son amant).


6 - Como agua para chocolate (1992)

Tita (Lumi Cavazos), condamnée par sa mère à ne pas marier celui qu'elle aime, sublime sa peine dans la confection du banquet de mariage de sa soeur et de son amoureux, et ses pulsions sexuelles dans une recette de chilis en nogada (trempés dans une sauce de noix, de crème sure, de cannelle et de grenade). Le résultat a un effet inattendu sur les convives. Une fable mexicaine coquine et fantaisiste d'Alfonso Arau, sur le pouvoir d'évocation de la cuisine.

7 - Volver (2006)

Raimunda (Penélope Cruz) trouve sa fille en pleurs et son mari gisant mort dans son appartement. Elle cache le corps dans le congélateur d'un restaurant fermé pour les vacances, qu'elle ouvre temporairement pour une équipe de tournage en quête d'une cantine. Le cadavre congelé ne l'empêche pas de mitonner des plats de porc, de boudin et d'omelettes, qui font fureur auprès des gens de cinéma. Penélope Cruz a aussi joué les Josée di Stasio dans Woman on Top de Fina Torres (en 2000), mais c'est dans Volver, fable lumineuse de Pedro Almodovar, qu'elle se révèle à son meilleur.

8 - Mostly Martha (2001)

Ajoutez un piment italien (Sergio Castellitto) à une cuisine menée par une chef allemande sous pression (Martina Gedeck), et la tension risque de faire sauter les couvercles. C'est ce qui fait tout le charme de cette comédie romantique réalisée par Sandra Nettelbeck.

9 - Delicatessen (1991)

Premier long métrage du duo Marc Caro et Jean-Pierre Jeunet, Delicatessen est une comédie noire et surréaliste à propos d'un monde post-apocalyptique où la nourriture se fait si rare qu'elle sert de monnaie d'échange sur le marché noir. Il se trame des choses bizarres dans l'édifice qui abrite le déli. Mais où le boucher trouve-t-il sa viande?

10 - Monthy Python's The Meaning of Life (1983)

Un film absurde de Terry Jones et Terry Gilliam qui donne tout son sens à la phrase suivante: «Si je mange une autre bouchée, je vais exploser.» Un bonbon à la menthe pour finir?