Le 20e Festival Image + Nation de Montréal prend fin dimanche. Certains estiment que sa pertinence ne fait plus aujourd'hui aucun doute. Qu'il est toujours utile et nécessaire de réserver un espace à l'intérieur duquel s'épanouit la parole de créateurs dont l'oeuvre tourne autour de la thématique de la diversité sexuelle. À leurs yeux, la vigilance est toujours de mise car les acquis sociaux, gagnés au prix de luttes acharnées, restent encore très fragiles.

D'autres estiment en revanche qu'une manifestation de la sorte tend à cantonner les «films gais» dans la marge.

Je penche plutôt vers le premier camp. Car Image + Nation est d'abord et avant tout un vrai festival de cinéma. Avec de vrais films, choisis par un vrai comité de programmation. Et qu'au vent de conservatisme qui souffle présentement en notre direction, je préfère un événement dont le mandat est de célébrer la diversité sous toutes ses formes.

Ayant cette semaine quelques heures de lecture à ma disposition à la faveur d'un déplacement, je me suis attardé au bouquin que vient de publier le collègue Matthew Hays*. Dans cet essai, le journaliste du Mirror (et du Globe and Mail), retranscrit les conversations qu'il a eues avec 32 cinéastes homosexuels (ou bi, ou whatever), parmi lesquels Almodovar, Gus Van Sant, Robert Lepage et Léa Pool, tout autant que des réalisateurs dont l'oeuvre est plus «militante»: John Greyson (Zero Patience), Monika Treut (Female Misbehavior), Rosa von Praunheim (A Virus Knows No Morals).

En lisant cet ouvrage fort intéressant (bien qu'inégal), dans lequel certains créateurs évoquent leur inquiétude face à la remontée de valeurs plus «traditionnelles», une interview livrée en direct à la télévision par le docteur Réjean Thomas ne cessait de me revenir à l'esprit. Parce qu'elle traduit fort bien, à mon sens, le malaise que semblent ressentir ceux et celles qui, présentement, n'entrent pas dans les «normes» établies par la majorité.

C'était il y a quelques mois, pendant la campagne électorale précédant les élections québécoises.

Au Téléjournal du midi, Pascale Nadeau invitait le Dr Thomas à commenter une déclaration d'André Boisclair, à qui une journaliste avait demandé si son orientation sexuelle allait devenir un «boulet», ou nuire à sa campagne électorale. La question faisait suite à un commentaire désobligeant qu'un animateur saguenéen très distingué avait lancé sur les ondes radiophoniques.

Il y était question de «tapettes», je crois. Et du fait que jamais un travailleur d'usine ne voterait pour l'une d'entre elles. Pendant qu'il formulait son commentaire, le médecin s'est surpris lui-même à réprimer un sanglot. «Je ne pensais pas que ça viendrait me chercher comme ça», avait-il alors dit. Un peu comme si l'image d'une société célébrant les diversités avait dès lors été rattrapée par une image beaucoup moins reluisante. Comme si toutes les avancées faites au Québec depuis 20 ans pour un peu plus d'acceptation, un peu plus d'ouverture, avaient été balayées d'un revers de main.

Quelques-uns des cinéastes que Hays a interrogés font aussi écho à cet effet de ressac, ressenti notamment après la sortie de Brokeback Mountain, le très beau film d'Ang Lee. D'autant plus que chez nos amis anglo-saxons, les enjeux engendrés par ce qu'ils appellent la question des «sexual politics» font l'objet de nombreuses analyses.

Ainsi, le cinéaste Don Roos (The Opposite of Sex) estime que Brokeback Mountain a fait plus de mal que de bien, dans la mesure où le succès du film fait selon lui écran. «Dans les faits, les choses n'ont pas évolué», dit-il. L'effet de lassitude qui a marqué la carrière du film (et qui lui a fait perdre l'Oscar au profit de Crash) tend à cet égard à lui donner raison. Certains membres de l'auguste Académie n'ont même jamais voulu aller voir le film. Encore moins voter pour lui.

Le vétéran John Waters, qui a traversé bien des tempêtes, remet de son côté les choses en perspective quand Hays lui demande s'il se considère comme un militant gai.

«Je suis d'abord un militant, un militant qui est gai. Gai, ce n'est pas assez. Tous les films gais ne sont pas obligatoirement bons. Je ne me définis pas à travers ma sexualité Être gai ne me rend pas meilleur ou pire. Cela dit, les gais forment probablement le meilleur public. Parce qu'ils adorent le cinéma!»

Béjart dans les étoiles

Maurice Béjart n'a pas très souvent été associé au monde du cinéma mais on lui doit quand même l'une des scènes les plus appréciées de Les uns et les autres, un film de Claude Lelouch dont la carrière au Québec, longue d'au moins deux ans, fut exceptionnelle au début des années 80. C'est en effet au chorégraphe que l'on doit le fameux ballet final qu'exécute sur l'esplanade Trocadéro, face à la Tour Eiffel, le danseur étoile Jorge Donn. Depuis, le Boléro de Ravel est indissociable de cette célèbre séquence.

* The View from Here, Conversations with Gay and Lesbian Filmmakers, Arsenal Pulp Press.