Je ne pouvais faire autrement que d'avoir une pensée émue pour ma collègue Nathalie Petrowski. Rappelez-vous. Sur le tapis rouge des Oscars, Nathalie avait pratiquement consacré toutes ses énergies à poursuivre frénétiquement George Clooney dans l'espoir de lui soutirer quelques mots, ou à tout le moins le toucher afin d'être enfin convaincue que la perfection existe en ce bas monde. Ses efforts acharnés n'ont malheureusement pas été couronnés de succès. (voir l'article en question).

Et voilà que moi, sans aucun mérite ni labeur particulier, je me trouve à respirer le même air que George, dans un espace où j'ai la possibilité de discuter avec lui, de lui poser des questions, même de lui taper sur l'épaule ou dans le dos si je veux. Bon d'accord, j'étais accompagné de 40 autres journalistes. Et dans cet exercice très particulier que constitue une conférence de presse organisée par un studio hollywoodien, ceux dont la langue maternelle n'est pas l'anglais doivent se lever de très bonne heure pour essayer de placer une question parmi celles que lancent des collègues verbomoteurs américains soudainement pris de secousses orgasmiques. Tout est en effet une question de réflexe et de rapidité. N'empêche. George était là. Dans toute sa virile splendeur.

Certains jours, mon métier emprunte une tournure vraiment surréaliste. La simple présence d'une vedette de l'envergure de George Clooney dans un événement public ou dans un festival de cinéma provoque généralement la cohue la plus totale.

À Cannes comme à Toronto, les photographes en viennent parfois aux coups; les journalistes jouent du coude pour avoir accès au lieu où se déroule la conférence de presse; et les armées de relationnistes hystériques sont en mode gestion de crise. Les apparitions publiques de George Clooney sont d'autant plus courues que les scribes savent très bien que l'interprète de Michael Clayton, qui maîtrise parfaitement les rouages du jeu, leur tiendra toujours des propos intéressants.

J'ai eu l'occasion de voir le beau George à quelques reprises au fil des ans, souvent dans des circonstances folles (conférences de presse aux festivals de Cannes, Berlin et Toronto); parfois dans des circonstances mieux contrôlées (rencontres de presse organisées par des studios auxquelles les journalistes ne peuvent assister que sur invitation), et aussi dans un contexte plus «intime». Pour Confessions of A Dangerous Mind, sa première réalisation, George rencontrait en effet les journalistes par petits groupes. J'avais alors eu l'occasion de discuter plus sérieusement avec lui puisque son film avait été tourné à Montréal, «un endroit phénoménal pour faire du cinéma», avait-il alors déclaré.

Cela dit, Clooney joue magnifiquement de son métier de star, peu importe les circonstances. C'est un artiste brillant qui fait les choses avec rigueur, sans jamais se prendre trop au sérieux.

À cet égard, je vous invite à lire l'article du magazine Esquire (avril 2008) dans lequel il répond à toutes les rumeurs qui courent à son sujet sur l'internet. C'est très marrant.

D'une certaine façon, George Clooney allie l'ambition artistique de Clint Eastwood, l'intelligence sociale de Robert Redford, et le petit edge médiatique que possède Jack Nicholson. Le «paquet total» comme disent nos amis anglos. Je vous prédis d'ailleurs que dans 20 ans, notre ami George tiendra aux Oscars exactement le même rôle que celui que joue aujourd'hui à la cérémonie le premier interprète du Joker au grand écran. De la même manière qu'on installe toujours le grand Jack au meilleur endroit stratégique, on invitera probablement alors celui qui a notamment prêté ses traits à Danny Ocean à s'asseoir dans la première rangée. Et la caméra sera fin prête à capter la moindre de ses mimiques.

Il y a deux semaines à Los Angeles, Clooney assurait la promotion de Leatherheads (Double jeu en version française), une comédie romantique campée dans le monde du football des années 20, dont il signe aussi la réalisation. Outre l'acteur-cinéaste, qui, pour la première fois, s'est donné le rôle principal, le film - très drôle et très charmant - met en vedette Renée Zellweger et John Krasinski.

Il est ainsi entré dans la pièce le plus normalement du monde, ayant un bon mot pour chaque journaliste qu'il reconnaissait d'emblée. Je n'ai évidemment pas eu droit à cette délicate attention car nous n'en sommes pas encore tout à fait là dans notre relation lui et moi. Après 30 minutes d'un exercice au cours duquel il a pu expliquer sa démarche et mettre en valeur son sens de la dérision (rendez-vous dans notre cahier Cinéma demain pour en savoir plus), George a «traîné» un peu pendant que les 40 journalistes se «garrochaient» en avant pour récupérer leurs magnétos et obtenir des citations supplémentaires. C'est à ce moment-là que j'ai profité de l'occasion pour me présenter et lui serrer la main, histoire d'avoir un petit contact physique dont je pourrais ensuite parler à ma collègue. Oui, Nathalie, parfois la vie est vraiment très injuste.