De l'avis général, le Festival de Toronto fut cette année moins effervescent qu'à l'accoutumée. Les stars étaient au rendez-vous, cela est entendu. Mais les films, pas vraiment. Plusieurs des primeurs mondiales ont suscité un certain engouement, mais aucune d'entre elles n'a engendré de rumeur fabuleuse, à tout le moins pas du genre de celles qui perdurent une saison entière.

Or, un festival de cinéma ne peut compter que sur la seule présence des vedettes pour marquer les esprits. Est-ce à dire qu'il y a péril en la demeure? Pas du tout. De la même manière qu'il y a des années où le cru cannois se révèle un peu plus faible, le cru torontois 2008 ne passera tout simplement pas à l'histoire. Question de circonstances, de disponibilité des films aussi.

J'ai tenu cette année à me promener un peu dans le circuit des projections publiques, histoire de tâter le pouls des nombreux cinéphiles festivaliers. J'ai voulu pour une fois traverser cette «frontière psychologique».

Le Festival de Toronto est en effet mené parallèlement sur deux fronts. D'un côté, les journalistes et les professionnels assistent «en privé» à leurs propres projections, organisées dans des salles spécialement réservées pour eux. C'est dire que, bien souvent, ces spectateurs-là - particulièrement les acheteurs - se présentent dans les salles de façon parfaitement intéressée. Ils n'hésitent d'ailleurs pas à quitter leur siège au bout de 10 minutes s'ils estiment que le film projeté ne correspond pas à leurs «besoins».

De l'autre, il y a le public cinéphile, immensément respectueux des oeuvres et de leurs créateurs. Ces deux catégories de festivaliers ne se croisent pratiquement jamais.

Du bout de notre île, on se plaît à se targuer d'une cinéphilie quasi exclusive, mais Toronto n'est vraiment pas en reste à cet égard. Vrai que le cinéphile de la métropole canadienne souffre probablement du même syndrome que celui dont est atteint le jazzophile montréalais. De la même manière que nous apprécions le jazz une fois l'an, soit pendant la grand-messe festivalière, les Torontois sont d'ardents adeptes pendant les neuf jours où défilent les 312 films sélectionnés au TIFF. Serait-ce tout simplement parce que l'offre en films internationaux est moins riche qu'au Québec que ces amateurs retournent dans leur tanière une fois les projecteurs du Festival éteints? Peut-être.

En me promenant dans les salles où se rend le public festivalier, j'ai souvent été médusé. Alors que les médias et les professionnels n'en ont pratiquement que pour les films américains, j'ai pu constater à quel point les fidèles du TIFF portaient un intérêt pour le cinéma international. Pour le cinéma québécois aussi. Cela m'étonne d'autant plus que les projections des primeurs québécoises réservées à la presse et à l'industrie attirent généralement peu de monde.

En revanche, C'est pas moi, je le jure! a été projeté devant une salle pleine de spectateurs très attentifs. De son côté, Léa Pool me confiait à quel point elle avait été agréablement surprise de voir autant de gens se pointer aux projections publiques de Maman est chez le coiffeur. Même un film plus «pointu» comme Lost Song, le nouveau drame de Rodrigue Jean, affichait pratiquement complet.

S'agit-il d'une simple question d'intérêt? Ou est-ce la force attractive d'une organisation où tout baigne dans l'huile? Probablement un amalgame. Le lien de confiance entre les programmateurs et les festivaliers est drôlement bien installé. Et d'autant plus solide que les programmateurs n'hésitent pas à aller présenter eux-mêmes au public les films qu'ils ont sélectionnés. Les projections sont aussi très souvent suivies par des séances de questions réponses avec les artisans du film.

Pour les journalistes, le Festival de Toronto constitue aussi une occasion de réaliser quantité d'entrevues en vue des sorties de la prochaine saison. Puisque vous insistez, voici mon petit palmarès personnel parmi toutes les vedettes que j'ai pu rencontrer au cours de la dernière semaine.

Dans la catégorie «Je suis glamour mais je m'en fous (mais pas tant que ça quand même)», un seul candidat : Brad Pitt. Monsieur Jolie a mis tout le monde dans sa petite poche lors de la conférence de presse de Burn After Reading.

La plus vénérable : Agnès Varda. La réalisatrice du documentaire Les Plages d'Agnès a évoqué ses souvenirs pendant une heure. On en aurait pris une de plus.

Le plus politique et le plus drôle : Bill Maher. À cause de l'étrange tournure que prend la campagne électorale présidentielle, le célèbre satiriste américain, concepteur de Religulous, est présentement en feu.

La plus drôle : Tilda Swinton. «Dans tous mes contrats, j'exige que George Clooney soit mon partenaire! L'Oscar n'a par ailleurs rien changé pour moi, sinon de m'avoir fait vivre le moment le plus étrange de ma vie devant un auditoire de trois milliards de personnes!»

Le plus dévoué : Philip Seymour Hoffman. Délaissant la pièce dont il assure la mise en scène à Londres, l'acteur a traversé l'Atlantique pour accompagner la présentation de Synecdoche, New York de Charlie Kaufman. Moins de 24 heures plus tard, il retournait à Londres.

La meilleure déclaration : Steven Soderbergh. «Sept ans de préparation pour 78 jours de tournage, c'est comme sept ans de préliminaires pour 30 secondes de sexe!»

Le plus fin : Gael Garcia Bernal