En 2006, les autorités chinoises ont imposé une interdiction de filmer de cinq ans au cinéaste Lou Ye. Il venait de présenter, sans permission, en compétition officielle du Festival de Cannes, Palais d’été, un récit sulfureux sur fond de révolte étudiante à la Place Tiananmen.

Bravant l’interdit, le cinéaste de Suzhou River présente aujourd’hui en compétition cannoise une nouvelle oeuvre tout aussi torride, le très poétique Nuits d’ivresse printanière, à propos d’un triangle amoureux homosexuel, un sujet particulièrement «sensible» en Chine.

Lou Ye a tourné son film en douce, pendant deux mois, avec une équipe réduite, sans autorisation mais à visage découvert. Questionné en conférence de presse à savoir s’il craignait de nouvelles représailles des autorités de son pays, le réalisateur de 44 ans s’est fait diplomate.

«J’espère qu’il ne se passera rien à mon retour en Chine, a-t-il déclaré. Je dis aux autorités: N’ayez pas peur du cinéma. Je ne crois pas qu’ils vont faire quoi que ce soit. Je ne pense pas à l’avenir. Je pense au présent. Parce que je crois que mon avenir est mon présent.»

D’une sensualité à fleur de peau, Nuits d’ivresse printanière est un film sans esbroufe, tourné caméra à l’épaule, souvent dans la pénombre.

L’histoire des aventures d’un play-boy avec un homme marié soupçonné d’adultère par sa femme, puis avec le jeune photographe qui les a pris en filature, sensuelle et évocatrice à souhait, évite le racolage et le sensationnalisme. On regrettera seulement que ce beau film, bercé par une trame sonore superbe, s’étire indûment et propose une fin plaquée, quelque peu sordide.

Aussi en compétition aujourd’hui, Fish Tank de la réalisatrice britannique Andrea Arnold, révélée à Cannes avec l’excellent Red Road (prix du jury en 2006). De la même esthétique rugueuse et hyper réaliste que son premier long métrage, mais campé dans une petite ville anglaise plutôt qu’à Glasgow, Fish Tank raconte l’histoire de Mia (étonnante Katie Jarvis, une actrice non professionnelle).

Cette adolescente de 15 ans, révoltée, délinquante et solitaire, rêve de devenir danseuse hip-hop. Mais elle va d’échec en échec, avec ses amies, ses études, sa famille. Tout change le jour où entre dans sa vie Connor (Michael Fassbender, vu dans Hunger), le sexy petit ami de sa mère. Un espoir renaît.

Mais avec les attentes viennent les déceptions et les faux-fuyants. Un très beau film, poignant et fort, qui confirme un début de compétition à l’avenant. On attend la suite avec impatience.