Jane Campion est la première, et seule femme, à avoir remporté la Palme d'or. C'était en 1993, pour La leçon de piano (ex aequo avec Adieu ma concubine). Elle a présenté aujourd'hui Bright Star, sur les amours du poète anglais Keats, dans le cadre de la compétition du 62e Festival de Cannes.

Soixante-deux festivals. Une femme. Ça ne fait pas cher la douzaine de feuilles dorées. Cette année, sur vingt films en compétition, seulement trois ont été réalisés par des femmes (Jane Campion, Andrea Arnold et Isabel Coixet).

«J'aimerais voir plus de réalisatrices, et pas seulement à Cannes, a confié Jane Campion en conférence de presse. Les femmes représentent la moitié de la population. Elles ont donné naissance à toute la planète!»

La cinéaste originaire de la Nouvelle-Zélande, où les femmes ont obtenu le droit de vote en premier, estime que la critique, parfois très dure, effraie certaines aspirantes réalisatrices qui hésitent alors à tenter leur chance.

«Les femmes n'apprennent pas à grandir avec la critique comme les hommes, croit-elle. Elles sont trop souvent épargnées. Ça peut être très dur de faire du cinéma. Elles l'apprennent à leurs dépens. Je crois que c'est l'une des raisons qui expliquent qu'il y a si peu de réalisatrices, même si elles comptent pour la moitié des étudiantes dans les écoles de cinéma. Il faut savoir se faire une carapace.»

La cinéaste en sait quelque chose. Son précédent long métrage, le thriller In the Cut (2003), a été éreinté par la critique. Bright Star, son premier film présenté à Cannes depuis La leçon de piano - avec lequel il partage une évidente parenté -, est de meilleure tenue. Bien filmé, tout en retenue, fluide et subtil.

Mais à moins d'une surprise, ce n'est pas avec cette oeuvre somme toute conventionnelle que Jane Campion rejoindra le club sélect des doubles palmés - avec Shohei Imamura, les frères Dardenne, Coppola et Bille August.

Bright Star raconte la courte vie du poète romantique Keats à travers sa liaison avec une jeune bourgeoise anglaise, Fanny Brawne, au début du XIXe siècle. Film d'époque classique et contemplatif, sans éclats formels, Bright Star est un long drame au romantisme exacerbé, qui flirte parfois avec le sentimentalisme à l'eau de rose. 

Il a certainement l'ambition, mais ni la grâce, ni le souffle, ni l'âpreté, ni la tension irrésistible de La leçon de piano, duquel il se revendique clairement. L'émotion, surtout, n'est pas toujours rendue avec justesse. Les amours des jeunes fiancés sont effleurés, manquent de liant et de profondeur, les interprétations sont parfois trop appuyées (notamment Ben Wishaw dans le rôle d'un Keats malade), les élans romantiques ne sont pas toujours maîtrisés. Résultat: j'ai décroché au mitan du récit.

Bright Star, acheté jeudi pour distribution au Québec par TVA Films, est pourtant loin du ratage. Un film ne tient parfois qu'à un fil, sur lequel le cinéaste se promène comme un équilibriste. Jane Campion n'a pas su maintenir cet équilibre fragile.

Pas mon genre

Je reconnais à Thirst, du Coréen Park Chan-wook (Grand Prix du jury en 2004 avec Oldboy) d'évidentes qualités esthétiques et un humour gore assez efficace. Mais ce film de vampires, mettant en scène un jeune prêtre qui succombe aux plaisirs de la chair - bien saignante de préférence -, m'a tout de même donné l'impression que la compétition officielle veut se donner des airs branchés bien de son temps.

Thirst, soigné et original, exemple archétypal du nouveau cinéma de genre asiatique, sera sans doute célébré par la branchouille cinéphile française, porté aux nues par Tarantino, acclamé au prochain Festival Fantasia et prisé par les «blogues» de geeks.

Le genre n'étant pas mon genre, je me contenterai de dire que j'ai trouvé ce film interminable. Mais s'il gagne la Palme d'or, je serai le premier à crier au scandale.