On les cherche depuis une semaine. On s'inquiète de leur absence. Ils sont aussi rares que... Enfin, vous voyez ce que je veux dire. Les jeunes. Ils ont déserté depuis longtemps le FFM, qui ne se renouvelle plus depuis belle lurette. La moyenne d'âge déjà élevée du festival croît à vue d'oeil, année après année. Comme le cours inéluctable des choses.

Le Festival des films du monde est devenu un festival de vieux. Ce n'est pas un jugement, mais une constatation. On semble trouver dans les salles sombres le même pourcentage de têtes blanches qu'à l'opéra, les salles de bingo ou les terrains de boulingrin.

Pourtant, à une autre époque pas si lointaine, des hordes d'étudiants et de jeunes cinéphiles se bousculaient aux guichets de l'Impérial pour découvrir la crème du cinéma mondial. La crème a tourné. Les jeunes sont partis ailleurs, à Fantasia, au Festival du nouveau cinéma, en trouver de la plus fraîche.

Bonne nouvelle: tout n'est pas perdu. Il reste quelques jeunes irréductibles au FFM. Je les ai trouvés! Dehors, à la belle étoile.

Mardi soir, je n'ai pas été trop surpris de découvrir quelques centaines de personnes assistant à la projection en plein air du Dîner de cons de Francis Veber, à l'Esplanade de la Place des Arts.

Film archipopulaire, temps magnifique. La «salle» affichait complet, des bancs face à l'entrée du Musée d'art contemporain au sommet des escaliers menant à la fontaine. Des touristes américains, amusés, photographiaient l'écran posé en pleine rue Sainte-Catherine.

Ce qui m'a surpris, en revanche, c'est de croiser autant de gens dans la jeune vingtaine, fréquentant un festival que l'on dit moribond, dépassé et déphasé. Dans les escaliers de l'Esplanade, transformés en estrade populaire, ils étaient majoritaires.

Étudiants à l'affût d'aubaines culturelles, jeunes couples profitant des dernières soirées clémentes de l'été, quelques adolescents même. Un groupe de filles avait prévu le pop-corn de circonstance. Ambiance bon enfant, cadre idéal, silence poli, même pour une franche comédie.

Peut-être y aura-t-il moins de jeunes ce soir pour le plus pointu Ballon blanc du président iranien du jury de la compétition, Jafar Panahi. Ou peut-être pas.

La programmation de ces soirées «À la belle étoile» n'est pas constamment relevée, mais variée, et susceptible d'intéresser des cinéphiles de tous âges et de toutes allégeances: 2001: A Space Odyssey de Stanley Kubrick demain, North By Northwest d'Alfred Hitchcock samedi et In the Mood for Love de Wong Kar-waï, l'un de mes films fétiches, dimanche. Rien d'inédit, mais on a vu bien pire au FFM.

Entendu à la radio

Lundi matin, le cinéaste français et juré du FFM Pascal Thomas était l'invité de René Homier-Roy à la radio de Radio-Canada. L'animateur, l'entretenant de la fonction de juré d'un festival de films, lui rappelle une déclaration étonnante d'Isabelle Huppert, présidente du jury du dernier Festival de Cannes. «Nous ne sommes pas ici pour juger, mais pour aimer les films», avait dit l'actrice, à la veille de la compétition.

«Elle est sotte. Une vaniteuse sotte. Elle est bête comme ses pieds, lui répond Pascal Thomas du tac au tac. Gilles Jacob cherche toujours à faire de la publicité autour de son jury, comme président du Festival, mais il fait des erreurs de choix. Comme Patrice Chéreau. Ce sont des gens trop tournés vers eux-mêmes pour se tourner vers les autres.»

J'apprécie le franc-parler de Pascal Thomas. Pour avoir rencontré Isabelle Huppert, je peux affirmer qu'elle m'a semblé particulièrement sèche, froide, austère, voire brusque, à l'image de plusieurs de ses personnages. «Bête comme ses pieds», au sens où on l'entend chez nous. Vaniteuse, je n'en sais rien. Mais sotte, pas le moindrement. Je dirais même le contraire. D'une remarquable intelligence.

Le grand metteur en scène français Patrice Chéreau (Ceux qui m'aiment prendront le train, La reine Margot, Intimacy), lorsqu'il était président du jury du Festival de Cannes en 2003, a remis la Palme d'or à l'excellent Elephant de Gus Van Sant (l'année du Prix du scénario aux Invasions barbares). Le jury d'Isabelle Huppert a de son côté décerné en mai sa Palme d'or au brillant Ruban blanc de Michael Haneke, et son Grand Prix au Prophète de Jacques Audiard, l'un des meilleurs films français de la décennie.

Mettons que si j'étais le réalisateur de comédies au charme suranné (je suis poli) comme La dilettante et Le crime est notre affaire, je me garderais une petite gêne.