J'en suis convaincu. Pour toujours les Canadiens, qui ne prend l'affiche que dans deux semaines, sera un immense succès. Il ne pourrait en être autrement dans une ville où le toit du Centre Bell se soulève même quand, méchant mardi, la sainte Flanelle égale la marque in extremis lors d'une partie disputée contre la pire équipe de la Ligue.

Il s'agit, très certainement, d'une bonne nouvelle pour les artisans du film. D'autant plus que la première historique, à laquelle ont assisté lundi 14 000 admirateurs des anciens et nouveaux Glorieux, semble avoir été concluante à cet égard. Même si le contexte n'aurait pu être plus mal choisi (saison désastreuse du Tricolore, joueurs-vedettes du film partis jouer sous d'autres cieux), il reste que la dévotion du peuple envers son équipe dépasse largement les petites et grandes déceptions quotidiennes.

Je ne vous cacherai pas être sorti de la projection dans un état dubitatif. Pour rendre hommage à l'histoire du Canadien, grandiose certes, était-il nécessaire de passer obligatoirement par les affres d'une docufiction aux accents de conte pour tous? En relisant tous les reportages que nous avons publiés sur ce film jusqu'à maintenant (depuis l'annonce du projet par Louise Cousineau en 2006!), je suis tombé sur une description faite par le réalisateur Sylvain Archambault au moment du tournage. Un «Walt Disney sportif», avait-il annoncé. Ceci explique cela. L'organisation du Canadien a ainsi mis sa rutilante Zamboni, et toute sa gomme à mâcher, au service d'un film bien propre, bien policé, marchandant avec bienveillance les bons sentiments et l'image de marque du club centenaire.

Au cinéma de «producteurs», faudra-t-il aussi ajouter désormais, plus rarement on l'espère, un cinéma «corporatif» ? Pas étonnant que des gens de talent se fassent couper les ailes dans un système où trop de gens ont droit de regard sur tout. Qu'on me comprenne bien. Sylvain Archambault a sûrement fait le film qu'il souhaitait. Je le sais même absolument sincère dans sa démarche. Je dis toutefois que notre système de production cinématographique appelle obligatoirement un certain aplanissement, une remise à niveau. Je ne peux expliquer autrement la difficulté qu'éprouvent des réalisateurs ayant offert d'extraordinaires -et parfois courageuses - séries à la télé (Archambault, Choquette, Sauvé et compagnie) à se faire valoir de la même façon au cinéma. J'ai bien hâte de voir les films de Podz l'an prochain en tout cas.

Nous publierons évidemment notre critique «officielle» de Pour toujours les Canadiens en temps et lieu. En attendant, il me faut souligner la grande clairvoyance de mon barbu - et néanmoins sportif - collègue Ronald King, chez qui pensionnent à plein temps les perruches Céline et René, de même que Rocket, le très humide poisson rouge.

Dans un élan divinatoire peu commun, comme si son esprit était malgré lui attaqué par les pouvoirs cosmiques de Madame Minou et Jojo Savard, le chroniqueur mondain a tout vu de façon très juste.

«Pas besoin d'être Nostradamus pour deviner ce que le film contient: une suite de clichés habituels, un enfant malade, un ado incompris, des crises de larmes, un moment ou deux de sentimentalité dégoulinante, le Canadien en finale de la Coupe Stanley, bref, un Lance et compte en mode génuflexion, sans les parties de fesses.»

Maudit. Des fois, je me dis que je me suis trompé de section.

En vert et contre tout

En guise de solidarité avec leur président Jafar Panahi, les membres du jury du Festival des films du monde de Montréal s'étaient présentés à la soirée d'ouverture en arborant une écharpe verte, couleur de l'opposition en Iran. C'était il y a quelques mois. Au cours d'un entretien, le réalisateur du Ballon blanc m'avait confié s'attendre à devoir rendre des comptes à son retour.

«J'ai pu quitter l'Iran sans problème pour venir à Montréal, avait-il dit. Mais chez nous, ce n'est pas quand on part que les problèmes commencent, c'est quand on revient! Je sais qu'on m'interrogera à mon retour. Mais je ne veux pas me taire. Je sais ce que je fais. Le mouvement de l'opposition est trop important; la lame de fond trop grande. Tôt ou tard, ce régime tombera.»

En attendant, les autorités iraniennes serrent encore un peu plus la vis aux artistes dissidents. Comme plusieurs de ses collègues, Jafar Panahi s'est récemment fait retirer son passeport. Il n'a pu se rendre au Festival de Bombay, où il était attendu. L'actrice Fatemeh Motamed-Arya et le documentariste Mojtaba Mirtahmasb ont été empêchés de faire un voyage à Los Angeles, où était tenu un festival consacré au cinéma iranien. Les organisateurs du Festival de Turin, qui se poursuit jusqu'à dimanche, ont lancé cette semaine un appel de solidarité, enjoignant à tous les festivals de cinéma du monde d'inviter des artistes iraniens afin de faire pression sur leur gouvernement.

Les autorités iraniennes auraient été particulièrement irritées par la défection, le mois dernier, de la fille de l'attaché culturel du président Mahmoud Ahmadinejad. La réalisatrice Narges Kahlor a en effet profité de son passage au Festival international des droits humains de Nuremberg pour trouver refuge en Allemagne, pendant qu'à ce même festival, Mohsen Makhmalbaf, honoré pour l'ensemble de carrière, dédiait son trophée à Mehdi Karoubi, candidat défait à la présidence. Téhéran n'aurait guère apprécié la chose. Le grand cinéaste Abbas Kiarostami (Le goût de la cerise) doit par ailleurs présider le jury du prochain Festival de Marrakech en décembre. La pression internationale viendra-t-elle à bout de l'intimidation? Souhaitons-le.