Pas moins de 13 nouveaux films prennent l'affiche aujourd'hui à Montréal. Je devrais m'en réjouir. J'y vois plutôt un malaise. Les rares fois où les Hollywoodiens ne monopolisent pas des centaines de salles pour la sortie d'une nouvelle superproduction (c'est le cas cette semaine), les distributeurs indigènes sont obligés de se «garrocher» sur les miettes laissées derrière après le passage du géant. D'où cet embouteillage.

Si vous regardez bien la liste des primeurs prenant l'affiche aujourd'hui, toutes sont proposées par des distributeurs locaux, trop heureux de disposer enfin de quelques écrans, parfois après de longues semaines, sinon de longs mois d'attente.

Il y a bien entendu un effet pervers. La plupart de ces films ne sont pas formatés pour survivre de façon autonome dans ce marché. Et nécessitent une attention plus particulière. Or, il est à craindre que la plupart de ces titres disparaîtront très vite du paysage; la concurrence étant trop féroce.

On remarque aussi que, Pour toujours les Canadiens mis à part, tous ces longs métrages visent un public plus mûr, plus cinéphile. Or, ce profil ne correspond pas exactement à celui des spectateurs qui font habituellement résonner les tiroirs-caisses des complexes multisalles.

Dans un article publié plus tôt cette semaine, Owen Gleiberman, critique cinéma du magazine Entertainment Weekly, s'inquiétait à cet égard d'une tendance de plus en plus lourde. Le journaliste relevait en outre la difficulté qu'ont les grands studios à mettre en marché des films dont le public visé n'est pas nécessairement celui des ados et des très jeunes adultes. Ainsi, plusieurs des productions plus ambitieuses sur le plan artistique, notamment celles pouvant prétendre à certaines récompenses, prennent systématiquement l'affiche de façon progressive, dans quelques marchés ciblés, plutôt que globale. Ce phénomène n'est pas nouveau, certes, mais il s'amplifie. Même le dessin animé The Princess and the Frog a d'abord pris l'affiche sur quelques écrans seulement avant de sortir, la semaine prochaine, en distribution plus large.

Chez nous, il faudra par ailleurs patienter jusqu'au 15 janvier avant de pouvoir apprécier le nouveau film de Peter Jackson, The Lovely Bones. Malgré la notoriété d'un cinéaste à qui l'on doit notamment The Lord of the Rings, les bonzes de Paramount Pictures ont préféré jouer de prudence. The Lovely Bones sortira en distribution limitée à Noël, et sa diffusion sera plus tard élargie aux marchés secondaires. Frustrant, dites-vous? Assurément. Mais dans l'état actuel des choses, il faut faire avec.

Up in the Air en ascension

La saison des récompenses a officiellement été lancée hier avec l'annonce des lauréats du National Board of Review, une association de critiques américains. Puisque ces gens sont les premiers à se prononcer, leur sélection annonce habituellement la couleur des courses à venir en identifiant les joueurs qui risquent d'y participer. Up in the Air, l'excellente comédie dramatique de Jason Reitman (Juno), a été élue meilleur film de l'année. Clint Eastwood a de son côté obtenu le prix de la meilleure réalisation grâce à Invictus; et Un prophète de Jacques Audiard a été proclamé meilleur film étranger. Je souscris à au moins deux de ces choix...

Je vous invite à lire demain dans le cahier Cinéma le reportage que nous consacrons au nouveau film de Jason Reitman, à l'affiche à Montréal le 11 décembre.

Hommages à Gilles Carle

Depuis la mort de Gilles Carle, les hommages pleuvent. Cela n'est que justice, bien sûr. La direction du FFM a déjà annoncé que le prochain festival, dans neuf mois, serait dédié au cinéaste. Les organisateurs des 28es Rendez-vous du cinéma québécois, qui se tiendront en février, ont fait de même, annonçant du même souffle la création d'un prix Gilles-Carle, récompensant la réalisation d'un premier ou deuxième long métrage de fiction. On a aussi lancé un projet créatif autour du thème «Gilles Carle, un hommage en images».

Tout cela est très bien.

Mais le plus bel hommage qu'on puisse rendre à un cinéaste reste encore de regarder ses films. Sept des longs métrages de fiction de Gilles Carle sont disponibles en DVD à ce jour, dont cinq sont regroupés dans un coffret contenant des versions «remasterisées». La vie heureuse de Léopold Z, La vraie nature de Bernadette, La mort d'un bûcheron, Les corps célestes et La tête de Normande St-Onge, inclus dans ce coffret, peuvent aussi être vus sur Illico via le projet Éléphant. Les DVD des films Les Plouffe (incontournable) et Pudding chômeur circulent également.

Cela dit, il est impératif d'aller aussi sur le site web de l'ONF afin de consulter la page consacrée à Gilles Carle. On y a mis en ligne huit films, courts métrages documentaires et de fiction (exceptionnellement, Léopold Z y est aussi), accessibles gratuitement. Quelques perles: L'âge de la machine, Percé on the Rocks, Solange dans nos campagnes... À revoir. Ou à découvrir de toute urgence.

En passant, l'ONF a obtenu cette semaine le prix du meilleur portail de vidéos en ligne au Gala des Prix des nouveaux médias canadiens. Bravo.

La décennie s'achève

Nous préparons présentement nos bilans de fin d'année et de fin de décennie. J'ai lancé une petite question toute simple dans la blogosphère: Qui est le (ou la) cinéaste dont les films incarnent le mieux la décennie qui s'achève? Personnellement, j'ai déjà ma petite idée. Dont je vous ferai part en temps et lieu. Mais la discussion est intéressante. S'il vous sourit de participer à cet échange de points de vue, rendez-vous à cyberpresse.ca/lussier.

Parlant d'époque qui s'achève et d'une autre qui commence, Avatar prendra l'affiche dans deux semaines. Il paraîtrait que nos vies seront transformées à jamais grâce à ce film. On songerait même à marquer le passage de cette superproduction dans l'histoire de l'humanité par un «avant» et un «après». Malheureusement pour James Cameron, ses initiales étaient déjà prises...