Si le Prix Nobel de la paix Barack Obama a un seul film à voir cette année, c'est Brothers, de Jim Sheridan, à l'affiche depuis hier.

Les bons films de guerre sont légion. Plus rares sont les films aboutis s'intéressant à l'impact psychologique d'un conflit sur un soldat à son retour au pays. Brothers, un remake de Brodre de la Danoise Susanne Bier (After The Wedding), est de ceux-là.

 

À travers l'histoire de Sam Cahill (Tobey Maquire), jeune marine exemplaire, marié à sa flamme d'adolescence (Natalie Portman) et père de deux jeunes filles, le cinéaste de My Left Foot s'est intéressé au syndrome post-traumatique qui afflige grand nombre de soldats à leur retour du front.

Sa famille tient Sam pour mort lorsque son hélicoptère Black Hawk s'abîme dans les collines de l'Afghanistan. Dans le deuil, son frère Tommy (Jake Gyllenhaal), rebelle charmeur tout juste sorti de prison, décide de se rapprocher de ses nièces et de sa belle-soeur. Lorsque Sam, torturé pendant sa captivité, rentre chez lui, le contexte familial semble avoir changé. Surtout, il n'est plus le même homme. En proie à des délires paranoïaques, reclus, il est prêt à mordre comme un animal blessé.

C'est le sort qui guette des milliers de militaires de retour d'Irak ou d'Afghanistan, où le président américain a décidé cette semaine d'envoyer 30 000 soldats en renfort. Jeunes vies sacrifiées à la guerre, où les victimes ne se comptent pas qu'en nombre de cercueils.

Sam, on s'en doute, ne se rétablira pas des sévices infligés par les talibans. Le regard absent de Tobey Maguire, les yeux exorbités dans un visage émacié, traduit avec acuité le mal-être du soldat de métier arraché à ses frères d'armes pour être catapulté dans la société civile. Sa difficile réintégration, son improbable réadaptation, son besoin, viscéral, de retourner au front. Malgré les blessures, malgré l'horreur, les cauchemars récurrents et le processus de déshumanisation du conflit armé. De certaines choses, on ne se remet pas. Inexplicablement, on en redemande.

«C'est comme si j'étais à la maison», se dit Sam au début de sa quatrième mission en Afghanistan. Machine de guerre programmée pour la guerre, incapable de vivre en paix. De retour parmi les siens après sa captivité, son seul désir est de regagner le pays de ses tortionnaires. «Ma famille ne peut pas comprendre, dit le capitaine Cahill. J'ai besoin de retrouver mes hommes.»

J'ai repensé à une scène de The Hurt Locker de Kathryn Bigelow, sur une escouade de démineurs américains à Bagdad. On y voit un soldat en civil, dans l'allée d'un magasin à grande surface, désemparé devant les dizaines de boîtes de céréales. Il semble plus naturel pour lui d'identifier parmi 20 fils celui qui va désamorcer une bombe que de choisir entre des Cheerios au miel et aux noix et des Froot Loops aux guimauves. La mort à petit feu de l'animal sorti de son habitat naturel.

Comme The Hurt Locker, une oeuvre de perpétuelle tension, Brothers a des chances de se retrouver parmi les 10 finalistes (absurde nouveauté) à l'Oscar du meilleur film. Écrit, réalisé et interprété avec une grande subtilité et finesse d'esprit, ce film émouvant a tout pour plaire. Jim Sheridan, candidat à l'Oscar du meilleur film pour My Left Foot (1989) et In the Name of the Father (1993), pourrait jouer les négligés encore une fois.

D'autant plus que d'autres films sur le difficile retour au bercail de soldats ont été célébrés par l'Académie. La plupart de ces fictions s'intéressaient aux séquelles de la guerre du Vietnam sur une génération sacrifiée de jeunes Américains. De Taxi Driver de Martin Scorsese, finaliste à l'Oscar du meilleur film en 1976, mettant en vedette Robert De Niro dans le rôle de l'ex-marine psychotique Travis Bickle, à Born on the Fourth of July d'Oliver Stone, candidat dans la même catégorie en 1989, avec Tom Cruise dans le rôle d'un vétéran désillusionné.

En 1978, Coming Home de Hal Ashby, candidat à l'Oscar du meilleur film, avait valu des prix d'interprétation à Jon Voigt et Jane Fonda, pris dans un triangle amoureux d'après-guerre du Vietnam. La plus prestigieuse des statuettes avait plutôt été remise à The Deer Hunter de Michael Cimino. Ce voyage au bout de l'enfer, dur et sans concession, est peut-être le film le plus troublant à avoir été réalisé sur la détresse psychologique des jeunes soldats envoyés en pâture sur les champs de bataille par le gouvernement américain.

Cela fait deux suggestions de films pour Barack Obama. Et, pourquoi pas, pour Stephen Harper.

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