Au début, je me suis demandé si elle ne me tirait pas la pipe. La jeune cinquantaine peut-être, accompagnée d'une amie. Elle m'a apostrophé dans la salle de cinéma, samedi après-midi, juste avant une projection du Festival des films du monde.

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«J'ai bien hâte de dire à mon mari que j'étais assise à côté de vous, m'a-t-elle lancé, enthousiaste. Quand je lui ai dit que j'allais au FFM, il m'a dit qu'il vous avait lu ce matin et que ça ne donnait pas trop envie. Il y a longtemps que je veux vous le demander: votre mère ne vous a jamais dit qu'il ne fallait pas être négatif?»

J'ai souri en pensant à ma mère et à ses expressions truculentes. «Il faut regarder le chat blanc, pas le chat noir», qu'elle me dit souvent. «Ma mère me trouve parfois dur, mais toujours honnête», lui ai-je répondu, un peu de malice dans la voix. Elle n'a pas apprécié la boutade.

«Vous ne devez pas être heureux pour écrire des choses pareilles!» Elle ne me tirait pas la pipe. J'ai eu envie de lui dire: «Je vous rassure madame...» Je me suis tu. Le film, le meilleur de la compétition (pour faire exprès), allait commencer. Aparté: on souhaite qu'il trouve un distributeur au Québec, ce Das Lied in Mir, tourné en Argentine par un Allemand de 31 ans né à Tel Aviv, qui parle le français avec un accent québécois.

Il y a eu cette dame. Et il y en a eu d'autres, au Quartier latin comme à l'Impérial, pour me reprocher de ne pas apprécier à sa juste valeur ce «festival-qui-nous-fait-voyager-à-peu-de-frais-à-l'étranger-grâce-à-de-belles-images». Pour s'indigner de mon «négativisme».

Bref, je me suis retrouvé en terrain hostile pendant un marathon de 12 jours, au cours duquel j'ai vu quantité de films oubliables, quelques perles et trop de navets. J'en suis encore courbaturé. Des films, pas des commentaires suscités par ma couverture.

On ne peut empêcher un coeur d'aimer. Ce n'est pas ma mère qui le dit. Le fidèle abonné du FFM «aime pour toujours», comme dirait Desjardins. Il a ses raisons. Grâce au Festival, il découvre des films qu'il ne pourrait voir autrement: du cinéma étranger malheureusement peu distribué chez nous, du cinéma sans véritable potentiel commercial, du cinéma atypique. C'est une bien bonne chose.

Sauf qu'un mauvais film, qu'il soit indépendant, sri-lankais ou expérimental, sous-titré, «d'art et d'essai» (comme on disait à l'époque) ou fait de beaux paysages bien filmés, reste un mauvais film. Il y en a trop au Festival des films du monde, en particulier en compétition officielle - la vitrine d'un festival -, faute d'une direction artistique plus cohérente. Point à la ligne. Qui disait qu'il ne fallait pas tirer sur le messager (ce n'est pas ma mère)?

Lorsque cette cinéphile m'a fait la leçon de vie samedi, j'ai pensé qu'il y avait un grand malentendu entre nous. Un malentendu qui n'a rien à voir avec le négativisme ou le positivisme. Nous n'espérons pas tous la même chose du cinéma. J'attends par exemple d'un film qu'il me fasse une proposition digne d'intérêt. Qu'il soit raté ou réussi a pour moi moins d'importance. Du moment qu'il se distingue de la masse médiocre par un point de vue, une signature, une façon de faire unique. À chacun ses attentes.

«Il y a des gens qui me lisent, je crois, parce que nous avons des intérêts communs, et d'autres qui me lisent surtout pour gagner du temps en évitant de voir les films que j'ai appréciés», lui ai-je dit, comme pour m'excuser d'exister. «Moi, je ne me fie jamais aux critiques», qu'elle m'a répondu. Est-ce une raison pour qu'un critique cesse de critiquer et se transforme en publicitaire?

Le virage de V

Je ne me souviens pas d'avoir été plus intéressé par une nouveauté de V (voire TQS). Prozac, dont le premier épisode était diffusé mardi, a tout pour plaire: une réalisation soignée et moderne (de François Bouvier), des textes incisifs (signés Karina Goma et Sophia Borovchyk), une distribution de grand talent (Patrice Robitaille, François Létourneau, Isabelle Blais, Sophie Faucher, etc.). On pense inévitablement aux Invincibles et à C.A., pour la forme et pour les personnages (Robitaille, en grand déprimé), mais on salue ce virage de V vers des séries québécoises de qualité.