Pour faire les choses en grand, il aurait fallu que le tapis rouge soit recouvert d'une couche de glace et que toutes les vedettes du film Score: A Hockey Musical arrivent en Zamboni au Roy Thompson Hall pour le coup d'envoi du 35e Festival international du film de Toronto hier soir.

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La Zamboni des Maple Leafs étant au garage ou peut-être même en dépression, les organisateurs du plus grand festival de film canadien et du deuxième festival en importance au monde ont quand même brisé la glace avec du jamais vu: une comédie musicale sur le hockey. Oui, vous avez bien lu, une comédie musicale où, entre deux coups de patin et trois buts, l'équipe des Brampton Blades et leur nouvelle recrue interprétée par le jeune Noah Reid chantent et dansent sur la glace, sous la douche et dans le vestiaire, alouette! Certains diront qu'il fallait le faire. D'autres se demanderont si c'était vraiment nécessaire. C'est le cas de plusieurs critiques torontois qui ont accordé au film une note plus que moyenne.

Chose certaine, le festival du film de Toronto, le TIFF pour les initiés, a choisi de partir le bal de ses 35 ans avec un objet étrange et incongru, écrit et réalisé par le Canadien Michael McGowan et dont la grande (et seule?) qualité est d'être 100 % canadian et patriotique. À preuve, le film commence par un Ô Canada tonitruant et raconte l'histoire de Gordon Farley, un jeune intello écolo et pacifiste qui cite Platon et Gandhi, qui ne sait pas qui est Sidney Crosby, qui ne connaît rien au hockey mais qui y joue comme un dieu au grand désespoir de ses parents, deux hippies anarcho-libertaires. Maman est interprétée par Olivia Newton-John qui se passe de présentations et papa par le chanteur et compositeur canadien Marc Jordan. La chanteuse Nelly Furtado fait de la figuration sur les bancs de l'aréna en grimaçant beaucoup mais elle a contribué à la trame musicale de même que les Barenaked Ladies. Le cinéaste a eu la bonne idée de nous épargner un numéro de l'ineffable Don Cherry mais il s'est rattrapé en offrant un rôle de commentateur sportif à l'animateur George Stroumboulopoulos. Et pour boucler la boucle, Walter Gretzky vient offrir sa caution et faire un court tour de piste en l'absence de son célèbre fils. Le tout se termine dans une apothéose chorégraphique sur la glace et sous une bannière qui annonce fièrement que le hockey, c'est l'eau, c'est l'air et c'est la vie. Plus canadien que ça, tu t'injectes du sirop d'érable et tu te tatoues un castor sur le coeur.

On ignore encore si A Hockey Musical passera à l'histoire à sa sortie à l'automne mais il est déjà question d'en faire une authentique comédie musicale pour la scène. En attendant, son appel à la fierté trouve un écho certain au TIFF. Cette année plus que jamais, la fierté a non seulement un festival qui, depuis 35 ans, n'a cessé de grandir, de grossir et de prospérer. La fierté aura bientôt un palais de béton, de verre et de lumière: le Bell Lightbox. À la fois cinéma, cinémathèque, musée et quartier général du TIFF, le palais sera inauguré en grande pompe dimanche après une gestation de huit ans et des investissements de 60 millions des différents gouvernements.

Pour quelqu'un qui a connu le TIFF à ses débuts et qui revient 20 ans plus tard - c'est mon cas -, le chemin parcouru est hallucinant. Le petit festival sympa et chaleureux que les vedettes américaines tardaient à gratifier de leur présence, où il n'y avait pas de media lounge high tech mais une suite d'hospitalité où tout le monde se marchait sur les pieds à l'heure de l'apéro, est méconnaissable. L'espace de trois décennies, le festival boutique est devenu un immense aéroport envahi par les grands studios américains, leur constellation de vedettes, leur cortège de commanditaires et leurs camions de champagne. Heureusement, certaines choses ont survécu, notamment la qualité de l'accueil dispensé par une armée de plus de 5000 bénévoles arborant toujours un grand sourire sous leur incontournable t-shirt orange.

Pour le reste, je ne serai pas ici assez longtemps pour croiser Bruce Springsteen, qui vient présenter un documentaire sur la gestation difficile de son album Darkness on the Edge of Town mardi. Mais je prie pour tomber par hasard sur Javier Bardem, la vedette de Biutiful, le nouveau film du réalisateur de Babel. Le cas échéant, il paraît que je pourrais toujours me rabattre sur Joaquin Phoenix. Bien que l'acteur ait annoncé son intention de se retirer du cinéma pour devenir un artiste hip-hop, il est la vedette du documentaire I'm Still Here de Casey Affleck. Plusieurs témoins affirment l'avoir vu en ville sortir d'une limousine entouré de groupies en chaleur et de gardes du corps sans humour. Hier, un communiqué a été publié selon lequel il s'agissait en réalité d'un sosie professionnel engagé pour faire mousser le film. Si jamais Joaquin se cherche un nouveau boulot, après acteur et chanteur hip-hop, je lui conseille joueur de hockey. Ou mieux encore: conducteur de Zamboni.