Ils sont dix candidats, âgés de 20 à 29 ans. Cinq filles et cinq gars. Il y a Axel, le grano fleur bleue. Hervé, l'Indien de coeur. Benoît, le plus discret. Eliot, le mélomane. Gabriel, l'écolo. Émilie, la passionnée de danse. Geneviève, l'introspective. Ninon, la cuisinière. Joannie, la photographe rétro. Et Ariane, qui rêve de reportages à l'étranger. Ça tombe bien.

Dimanche, on nous a présenté les concurrents de La course Évasion autour du monde, à la chaîne spécialisée du même nom. Dans dix semaines, au terme d'autant d'éliminations, on aura désigné un gagnant. Le Québec, par les voix de trois juges, «aura choisi», comme le veut la formule éculée de Loft Story.

Je m'en amuse un peu, mais j'ai l'impression de présenter les participants d'une téléréalité. C'est un peu le cas. Sauf qu'à l'inverse des candidats d'Occupation double, ceux de la Course nouvelle mouture n'ont pas été sélectionnés en fonction de leur indice de masse corporelle ou de leur capacité à jouer les mannequins pour un détaillant de complets trois-pièces.

Oh, ils sont beaux, les concurrents de la Course. Mais pas de cette beauté lisse et conventionnelle qui pullule depuis toujours, boulevard Saint-Laurent angle Milton, devenue une norme esthétique de la téléréalité québécoise.

La Course est enfin de retour. Depuis le temps qu'on le souhaitait. Ce qui frappe d'emblée chez ces nouveaux coureurs, c'est non seulement leur talent évident, leurs ambitions affichées et leurs personnalités fortes, mais ce qu'ils ont à dire. Car ils en ont à dire. Ça peut paraître banal. Ce ne l'est pas, tellement l'image de la génération des 20-29 ans a été malmenée, voire dénaturée par le prisme de la téléréalité.

À en croire ce que nous en montrent des émissions comme Occupation double ou feue Loft Story, la majorité des jeunes adultes d'aujourd'hui seraient des incultes monosyllabiques qui ne savent pas reconnaître la Chine sur une mappemonde. C'est gros pourtant, la Chine.

Loin de cette image d'une jeunesse repliée sur son nombril, déformée par le voyage romantique tout compris de deux jours aux îles Seychelles, La course Évasion autour du monde nous présente des aventuriers préoccupés par ce qui les entoure.

Ils sont pour la plupart, de toute évidence, éloquents. Une qualité qui n'est plus guère valorisée à la télévision québécoise. Dès la première émission (en rediffusion ce soir, à 20h), on a envie de les suivre jusqu'au bout du monde. Et pas pour savoir avec qui ils finiront leurs soirées.

Ce qui ne veut pas dire, évolution des moeurs télévisuelles oblige, que cette nouvelle Course échappera à l'influence de la téléréalité. Une équipe de tournage accompagnera les candidats en tout temps afin de permettre aux téléspectateurs un coup d'oeil en coulisse. Sans compter les éliminations de candidats, empruntées à la téléréalité.

A priori, en découvrant cette nouvelle Course dimanche, j'ai eu le sentiment de retrouver l'esprit de celle qui m'a fait «voyager» virtuellement à l'adolescence et qui a servi d'extraordinaire pépinière au cinéma québécois en révélant les Philippe Falardeau, Robin Aubert et autres Denis Villeneuve.

Les candidats, avant de partir, ont d'ailleurs rencontré d'ex-coureurs: Bruno Boulianne, Patrick Masbourian, Sophie Lambert et Ricardo Trogi. Un autre «ancien», François Parenteau, fait aussi partie du jury, en compagnie de ma collègue Nathalie Petrowski et du professeur de cinéma Marcel Jean. Parenteau a remarqué l'évidente supériorité technique de cette nouvelle génération de coureurs sur la sienne.

Contrairement à la Course de Radio-Canada, celle du canal Évasion ne dure pas une saison complète, mais dix semaines seulement. Les concurrents réalisent leurs films en tandem (pour les six premières semaines). Au terme de trois semaines, une équipe sera éliminée, puis une autre trois semaines plus tard. Parmi les quatre finalistes sera désigné «le reporter de l'année».

Ce n'est pas ce principe d'élimination qui me fait craindre que la nouvelle Course ne soit pas à la hauteur des attentes des anciensfans. J'ai été plutôt rassuré et inspiré par le premier épisode et sa volonté évidente de mettre le talent des participants à l'avant-plan.

Ce qui m'a surpris, en revanche, c'est l'encadrement serré des candidats. Ils sont accompagnés à l'étranger par le rédacteur en chef de l'émission, le journaliste François Bugingo. Ils ne choisissent pas eux-mêmes leur destination, mais s'en voient imposer une, chaque semaine, à la dernière minute. Et tous les candidats voyagent dans les mêmes pays en même temps.

Leur première destination collective? Tahiti, en Polynésie française. Mettons que ce n'est pas la Mongolie ou le Malawi. On a davantage l'impression d'un voyage de groupe au Club Med que d'un reportage en solo dans une région reculée. D'autant plus que le prochain épisode est commandité par la compagnie aérienne de Tahiti, par «nos amis de Tahiti Tourisme» et par un «sublime hôtel» de luxe de l'île, selon l'animateur.

Je n'ai rien contre les commandites en télévision. La Course destination monde était elle-même commanditée par le Club Aventure. Mais je trouve étonnant d'entendre un animateur vanter en ondes (par obligation, sans doute) les mérites d'une carte de crédit d'un établissement financier commanditaire, «qui offre une couverture d'assurance complète» aux candidats.

Évasion est une chaîne qui parfois ne craint pas le publireportage. On ne voudrait pas que l'émission, et ses candidats allumés, en fassent les frais. Surtout que pour le reste, cette nouvelle Course semble bien lancée.