C'est une publicité diabolique. Le mot n'est pas trop fort. Une publicité qui vous attire, vous harponne et vous endort la conscience en introduisant dans votre esprit confus le poison de l'ambivalence. Au début, vous ne comprenez pas trop. Vous vous demandez si c'est du lard ou du cochon, mais comme le charme vous est inoculé au rouleau compresseur, vous avalez la pilule amère en la trouvant jolie et sucrée.

Je parle de la nouvelle pub de l'industrie minérale du Québec. Il y en a eu une première le printemps dernier. La deuxième est arrivée juste à temps pour la sortie de Trou Story, le nouveau film de Richard Desjardins et de Robert Monderie, qui fait capoter l'industrie minière et la pousse à user des plus basses tactiques de manipulation pour redorer son image ternie.

Cette pub présente une énorme et scintillante roche sur un fond noir qui rappelle un écrin de velours. Une musique vaguement disco joue en sourdine pendant que la voix suave de chambre à coucher d'un acteur payé très cher pour faire le Gino nous susurre à l'oreille: «Cette roche est une roche sexy. Partout dans le monde, on se l'arrache. On en fait des puces électroniques, de la fibre optique, des voitures hybrides et tout ce qu'il reste à imaginer. Et comme cette roche est québécoise, elle est encore plus sexxxyyy! L'industrie minérale québécoise, bâtie sur du solide.»

L'industrie minérale? ai-je répété, perplexe, associant à tort l'expression à l'eau minérale, une eau symboliquement pure, bio, écolo qui, dans mon fantasme bucolique, jaillit d'une source fraîche en pleine forêt. Mon fantasme fut de courte durée. Sur le Net, il y avait une industrie minérale en France, une autre à Rabat au Maroc, une autre en Belgique. Conscients que le mot minier avait été noirci au charbon de la controverse, nos amis de la francophonie ont eu l'idée brillante de récurer leur industrie à la laine... minérale, imités en cela, sans imagination aucune, par l'industrie minière québécoise.

Cette découverte, assez sidérante merci, m'a aussitôt inspiré une question. Pour qui nous prennent-ils? Pensent-ils vraiment qu'en javellisant un mot, ils vont éradiquer de notre conscience la suie, la poussière, le bruit insupportable, l'air irrespirable, les ravages sur l'environnement et toute l'abominable pollution que produit l'industrie minérale?

Bien franchement, cette pub racoleuse m'a mise plus en rogne contre l'industrie que Trou Story, un film qui, à trop s'éparpiller, dans l'Histoire et sur le territoire, et à trop vouloir «fesser dans le dash», finit par nous priver d'une objectivité dont nous avons subitement soif.

Cela ne veut pas dire que l'industrie minérale peut dormir sur ses roches sexy pour autant. Car dans l'ombre de Trou Story, il y a un autre film qui n'a pas fait beaucoup de bruit, mais qui vaut son pesant d'or. Sous le titre La règle d'or, le documentaire de Nicolas Paquet porte uniquement sur la mine à ciel ouvert d'Osisko, à Malartic.

De l'été 2009 à la fin de l'année 2010, Nicolas Paquet a documenté avec sa caméra le grand déménagement d'un quartier complet qui avait le malheur d'être assis sur de l'or, l'espoir des habitants ravis de voir la prospérité revenir dans leur ville, puis leur tranquille désillusion devant l'augmentation des taxes et des loyers et les ravages de l'exploitation minière sur leur santé.

Son film, qui sera présenté ce soir aux indignés du square Victoria et cet hiver à Télé-Québec, n'est pas un film coup-de-poing et ouvertement militant comme l'est Trou story. C'est un film tout en nuances qui réussit néanmoins à soutirer du maire de Malartic, le plus gros entrepreneur du coin et l'heureux propriétaire d'un rutilant garage Ultramar, une affirmation qui fera époque pour son ironie involontaire. Ici à Malartic, dit le maire, on voit la vie en rose même si tout autour est gris. La vie en rose en effet...

Contrairement à la roche maquillée pour aller danser de la publicité, la roche de Malartic n'est pas sexy. Elle est peut-être payante, mais elle n'a absolument rien de sexy. Prétendre le contraire, c'est prendre les gens pour des imbéciles.