Mario Dumont n'est plus, officiellement, le chef de l'ADQ. Il a voulu le rappeler, mardi, à l'occasion d'un débat entre les candidats à sa succession, dans le cadre de son émission Dumont 360, à V.

«Quelles sont les erreurs de l'ancien chef que, dans votre mandat, vous ne voulez pas répéter ?» a-t-il demandé à Gilles Taillon, Christian Lévesque et Éric Caire. Question-surprise d'un habile politicien, visiblement satisfait de son effet.

Les observateurs de la chose politique y ont vu, avec raison, le seul moment fort d'un débat terne, constamment interrompu par le chef (pardon, l'animateur). Mario Dumont a une fois de plus éclipsé son parti (pardon, son ancien parti). Les vieilles habitudes sont tenaces.

Cette question-surprise visait aussi, à mon sens, à détourner l'attention de ce qu'est en substance Dumont 360 : la plateforme télévisuelle d'un parti en déroute. Mario Dumont se targue partout de son nouveau rôle «non partisan» à V, dont il est un conseiller stratégique. Il n'a pas voulu révéler ses préférences pour l'un ou l'autre des candidats, au terme du débat de mardi, mais il a tout de même tenu à avoir le dernier mot.

«Je pense que ce n'est pas tout vrai et que ce n'est pas tout simple comme ça dans la vie, a-t-il déclaré à propos des réponses des candidats (qui lui reprochaient entre autres son leadership en vase clos). Mais je n'ai plus besoin de me défendre. Je fais un autre job aujourd'hui.»

J'en suis de moins en moins convaincu. Ce débat entre candidats adéquistes était le premier du genre à être organisé par l'équipe de Dumont 360. Il était souhaité depuis un moment par l'ancien chef et a offert une vitrine inespérée à une course au leadership qui intéresse peu de gens (sinon pour son escalade d'attaques personnelles).

Un affrontement semblable entre les candidats, prévu depuis longtemps le soir même dans un hôtel de Montréal, a été annulé au profit de cette publicité partisane déguisée en débat d'idées.

La prudence voudrait que Mario Dumont, dans son nouveau rôle d'animateur télé, évite toute situation pouvant laisser croire qu'il se sert d'une émission d'information - la seule de la grille de V - pour faire de la politique. Le bon sens, dont il est friand, lui commanderait d'exercer un devoir de réserve. Or, Mario Dumont multiplie les occasions où il est à la fois juge et partie.

C'est ainsi qu'il a jugé à-propos de commenter récemment les dérapages de la course à la direction de l'ADQ avec son fondateur, Jean Allaire. «Il est temps que ça arrête. Il faut revenir aux idées», a déclaré le premier des chefs adéquistes. Une entrevue de trois minutes servant de prétexte à un avertissement public des «belles-mères» du parti aux organisateurs de campagne de l'ADQ, qualifiés par Mario Dumont de «petits matamores».

Il y a deux semaines, Dumont s'est intéressé à la proposition du député adéquiste Gérard Deltel (un ancien de TQS) de renommer l'autoroute Henri-IV l'autoroute de la Bravoure, en hommage aux soldats de Valcartier. Le chef des nouvelles de Dumont 360 à Québec, Dominic Maurais, aussi animateur à CHOI-FM, s'est déclaré favorable à la proposition de «Gérard» (un ami de la famille?), par ailleurs décrit comme un «ancien élève» de l'autre débatteur invité, le journaliste sportif Pierre Dufault.

Lorsque je lui ai fait remarquer récemment que son émission était fortement teintée de ses allégeances adéquistes, Mario Dumont s'est rebiffé. Les gens savent qui je suis et d'où je viens, a-t-il argué.

Ce que les gens, comme moi, ne savaient pas, c'est que le rédacteur en chef de Dumont 360, David Champagne, a été remplacé il y a deux semaines par l'ancien attaché de presse de Mario Dumont à l'ADQ, Jean-Nicolas Gagné (un autre ancien de TQS). À quand un Club des ex de l'ADQ à V (où gravite aussi Éric Duhaime, ex-conseiller politique de Mario Dumont)?

«Ce n'est pas problématique, estime Ivan Lamontagne, producteur délégué de Dumont 360 à La Presse Télé. Jean-Nicolas Gagné, qui est chef recherchiste, a été journaliste avant d'être attaché de presse de l'ADQ. Comme Mario, il a le droit lui aussi de passer à autre chose. Si le jupon dépasse, ou dépasse trop, nous serons jugés par les téléspectateurs. Ce n'est pas le cas.»

La question demeure : est-ce le rôle d'une émission d'information de faire, même indirectement, la promotion d'un parti politique ? Dans un univers médiatique en proie au mélange des genres, dans le contexte d'une chaîne généraliste qui s'est débarrassée, dans la controverse, de son service des nouvelles - avant d'offrir un certain nombre de garanties au CRTC -, c'est une question qui me semble pertinente.

Un aparté : je me demande ce que le CRTC a pensé du «débat» de 5 minutes, toujours à Dumont 360, entre le Dr Pierre Mailloux et l'avocat d'origine haïtienne Jean-Ernest Pierre, marqué par ces paroles éloquentes du Doc Mailloux à Me Pierre: «Es-tu instruit? Es-tu capable de comprendre?» Fin de l'aparté.

J'exagère à peine lorsque je suggère que l'ADQ, un parti moribond, est devenu une émission de télévision. Son chef emblématique n'a fait que changer de tribune, transformant ses clips de 15 secondes en une quotidienne d'une heure. Son entourage politique est devenu son entourage télévisuel. On reste en famille pour parler de la famille et surtout, des ennemis de la famille. C'est pour le moins incestueux.

Photo: Martin Chamberland, La Presse

Mario Dumont se targue partout de son nouveau rôle «non partisan» à V, mais son entourage politique est devenu son entourage télévisuel.