La loi que nous concocte le gouvernement Harper, sur la prison à vie, sera aussi cruelle qu'inutile: un certain nombre d'individus seront sacrifiés à la vindicte populaire, sans que cela ne fasse diminuer la criminalité et sans que le public s'en trouve davantage protégé.

Ce projet de loi sera au centre du programme conservateur pour les prochaines élections: quoi de plus rentable que de s'ériger en justicier implacable contre les criminels et de flatter dans le sens du poil les nostalgiques de la peine capitale?

Or, ces derniers sont nombreux! Selon un récent sondage, les deux tiers des Canadiens souhaitent le retour de la peine de mort...

Le gouvernement Harper n'entend pas la rétablir. Il fera pire, en un sens: on enfermera les criminels jusqu'à ce que mort s'ensuive, en jetant la clé du cachot à la mer.

Dans ce système inspiré de la philosophie de la droite dure américaine, il n'y a pas de place pour la réhabilitation, pas de place pour l'idée qu'une société civilisée doive aider les criminels qui le veulent et le peuvent à s'amender après avoir été dûment punis. Il n'y a plus que ce concept primitif: oeil pour oeil, dent pour dent.

Les auteurs de crimes crapuleux, les agresseurs sexuels, les terroristes et les assassins de policiers seront particulièrement visés. Outre qu'il s'agit d'une vaste catégorie dont les membres ne sont pas tous des monstres irrécupérables, rien n'empêchera des juges particulièrement zélés d'imposer cette peine à tous les individus coupables de meurtre prémédité.

Le gouvernement avait déjà ouvert la voie en incitant les tribunaux à imposer des sentences consécutives pour les meurtres multiples. Ainsi, Justin Bourque, l'Acadien de 24 ans qui a tué trois policiers, a été emprisonné l'an dernier pour 75 ans sans possibilité de libération conditionnelle (trois fois 25 ans, qui était auparavant la peine maximale). Il pourra demander une libération (sans nécessairement l'obtenir) à l'âge de... 99 ans.

Avec son nouveau projet de loi, le gouvernement fait un pas de plus dans la voie de la répression. Toutefois, et voilà bien le signe d'un cynisme sans borne, la loi stipulera que le prisonnier enfermé à vie pourra demander grâce après 35 ans... non pas auprès de l'organisme d'experts chargé d'examiner son degré de dangerosité et son évolution psychologique - soit la Commission des libérations conditionnelles - , mais auprès du gouvernement!

C'est le ministre de la Sécurité publique, donc un politicien, qui statuera sur son sort! Aussi bien dire qu'on remet la question entre les mains de la foule, comme dans ces tribunaux populaires guidés par l'émotion et l'instinct de vengeance plutôt que par la raison et le jugement objectif.

Pourtant, il existe déjà des mécanismes pour protéger la population des criminels les plus dangereux. La libération conditionnelle n'est jamais automatique. Les assassins comme Clifford Olson et Paul Bernardo auront beau se présenter devant la CLC, ils finiront leurs jours en prison.

Certes, il y a eu des récidives tragiques. Comme tous les organismes administrés par des êtres humains, la CLC a commis des erreurs, mais ce n'est pas une raison pour démolir tout l'édifice. Ce n'est pas parce que les médecins font parfois de mauvais diagnostics qu'il faut fermer les hôpitaux!

Ce projet de loi inutile rendra les prisons encore plus explosives, car des détenus privés de tout espoir, que rien ne motivera à se réformer, deviendront encore plus dangereux qu'au moment de leur arrestation. Les mutineries et les évasions auront des conséquences encore plus dramatiques.

Ces châtiments «cruels et inusités» seront probablement jugés inconstitutionnels, mais il se passera des années avant que cette loi délétère ne soit renversée par la Cour suprême.