Harper = 1Mulcair = 1Trudeau = 0

Quand vint le temps de prendre position sur l'enjeu le plus important de l'année - la participation du Canada à l'offensive militaire contre le groupe EI - , tant le premier ministre Harper que le chef néo-démocrate Thomas Mulcair ont réagi en adultes responsables - et cela, même s'ils sont dans des camps opposés sur la question.

Le chef libéral Justin Trudeau, quant à lui, a raté son premier vrai test de leadership. Avec ses atermoiements et ses réflexions puériles, il aura été le grand perdant de cette joute.

Quelles répercussions cette aventure militaire aura-t-elle sur l'image des partis, au moment où l'on se dirige vers une année électorale?

D'ores et déjà, on peut dire que le gouvernement Harper s'en tire assez bien politiquement, dans la mesure où la participation canadienne à la coalition est très mesurée, limitée dans le temps, et sans danger réel pour nos soldats, qui ne toucheront pas le sol. Sa décision sera, dans l'ensemble, bien reçue.

Si elle devait lui coûter quelques votes au Québec et dans quelques comtés urbains du Canada anglais, cela n'aurait guère d'importance, car ce sont autant de territoires où les conservateurs, de toute façon, n'espèrent plus faire des gains.

La position pacifiste du NPD aura le résultat de raffermir sa position au Québec, où perdure une ancienne tradition antimilitariste, et qui est depuis 2011 le principal bastion du parti... malgré que cette imposante députation québécoise soit, sauf de rares exceptions, invisible et inaudible, comme un docile bataillon de petits robots.

Le NPD a toujours été plutôt pacifiste en matière de relations internationales, mais cette fois, son parti-pris abstentionniste n'est pas qu'une question de pur réflexe. D'abord parce qu'il y a des raisons parfaitement rationnelles de s'opposer à une offensive militaire qui est, de toute évidence, terriblement mal partie. Ensuite parce que, contrairement à M. Trudeau qui ne profère que des lieux communs sentimentaux sur l'importance de l'humanitaire, M. Mulcair est capable de justifier en détail sa position et de préciser sa pensée sur les risques géopolitiques de cette intervention.

En tout cas, M. Mulcair a bien raison de souligner les effets pervers que risque d'entraîner cette autre offensive occidentale en terre musulmane (car c'est bien de cela qu'il s'agit, malgré l'écran de fumée que constitue la formation d'une soi-disant «coalition internationale»: on n'a qu'à voir les réticences de la Turquie à intervenir en Syrie, le rôle effacé et ambigu de l'Arabie saoudite, la suprématie absolue de l'aviation américaine, etc.)

La performance de Justin Trudeau, au contraire, risque de faire perdre à son parti l'avance qu'il détient dans les sondages, et de confirmer l'image de légèreté du nouveau chef, d'autant plus qu'il vient de subir un cinglant désaveu de la part de trois poids lourds du PLC (Bob Rae, Lloyd Axworthy et Roméo Dallaire), qui tous approuvent l'initiative gouvernementale.

Pendant ce débat crucial, M. Trudeau s'est distingué par son absence, en déléguant le plus souvent au député Marc Garneau le soin d'expliquer, pas toujours clairement d'ailleurs, la position du parti.

M. Trudeau a préféré lancer quelques boutades adolescentes, en se moquant des «vieux avions» des Forces armées canadiennes et en caricaturant l'effort militaire qui consisterait à «sortir nos CF-18 pour montrer combien ils sont gros». M. Trudeau voulait-il vraiment qualifier les militaires de machos qui s'amusent avec des armes analogues à des objets phalliques?

Est-ce un discours de futur chef de gouvernement? Est-ce le ton qui convient dans une affaire sérieuse encore baignée du sang des otages décapités, dans le contexte des affreuses tueries qui se poursuivent au Proche-Orient?