Il y a quelque temps, je m'interrogeais sur la façon dont on devrait identifier les territoires en dehors des régions de Montréal et de Québec.

Faut-il parler, comme on le fait couramment, « des régions » ? Sous l'angle linguistique, c'est un non-sens, car le mot « région » est un terme générique, qui s'applique aussi bien à la région de Montréal qu'à celle du Saguenay. Tous les Québécois vivent dans une région !

Personnellement, j'aime assez l'expression « le Québec profond », mais plusieurs la trouvent condescendante. Ils considèrent, à tort selon moi, que « profond » est synonyme de « creux », alors que ce mot renvoie, au contraire, à des concepts très positifs. Quand on dit d'un esprit qu'il est profond, ou d'une idée qu'elle a de la profondeur, c'est fort louangeur !

Mais bon, s'il faut trouver autre chose, cherchons... J'ai demandé l'aide des lecteurs et reçu un courrier assez abondant.

Il y en a qui trouvent « le Québec profond » tout à fait adapté : « Quand on parle d'approfondir un sujet ou un savoir, écrit M. Côté, on parle d'enrichissement. J'interprète cette expression comme une reconnaissance de la richesse culturelle de ces régions. »

Quelques personnes optent plutôt pour l'expression utilisée en France (surtout à Paris !) pour désigner le pays hors des grandes villes : la « province ». Le problème, c'est qu'en toute logique, les habitants de la province sont des « provinciaux » - un mot qui a fini par prendre une connotation négative.

Nombreux sont ceux qui suggèrent qu'on adapte au Québec l'expression « reste du Canada » (le ROC, pour Rest of Canada...). Cela donnerait RDQ, le « reste du Québec »... Mais les Canadiens hors Québec n'aiment guère cette expression, qui laisse croire qu'ils appartiennent à un négligeable appendice territorial, eux qui habitent un territoire trois fois plus grand que le Québec. Je ne crois pas que l'équivalent passerait mieux au Québec. Le concept de « reste », ou de « restant », n'est pas particulièrement aimable...

Des lecteurs suggèrent de parler des « territoires éloignés ». Fort bien, mais « éloignés » de quoi ? Ne risquerait-on pas de se faire accuser de montréalo-centrisme ?

Je préfère, dans la même catégorie, les expressions « territoires excentrés » ou « périphériques », le second s'appliquant particulièrement à des régions comme la Gaspésie ou l'Abitibi, qui sont effectivement à la périphérie de la province.

Une lectrice propose « les territoires hors métropole ». Intéressant, mais il faudrait parler, pour être plus précis, des territoires « hors métropole » et « hors capitale », et cela alourdirait indûment la phrase.

Autres suggestions : le « Québec rural ». Mais peut-on dire que Sherbrooke ou Rimouski sont dans la ruralité ? Sûrement pas. Alors, peut-être, « régions semi-rurales » ou « le Québec semi-rural » ?

Un lecteur propose une jolie expression pour désigner l'ensemble du Québec : le terroir, la capitale et la métropole. Mais ceux qui n'aiment pas l'expression « Québec profond » n'aimeront pas mieux « terroir », un mot qui d'ailleurs désigne surtout des terres agricoles.

Une autre idée me paraît plus prometteuse : on dirait PMM, pour « petites et moyennes municipalités ». Pas bête : cela englobe Sherbrooke aussi bien que les villages, qui ont tous un statut légal de municipalité locale. Ça sonne un peu technocratique, cependant.

Finalement, après avoir fait le tour du jardin, rien de génial n'apparaît à l'horizon. On revient plus ou moins au point de départ, avec « Montréal, Québec et les régions ». C'est illogique du point de vue sémantique, mais cela fait probablement davantage consensus. On ne va pas se quereller pour si peu.