Combien de temps Pierre Karl Péladeau restera-t-il au Parti québécois? La question se pose, surtout depuis le départ surprenant et inexpliqué de son bras droit Robert Dépatie, qui a démissionné de son poste de PDG de Québecor, officiellement pour des «raisons de santé».

Le départ inopiné de celui qui fut pendant des années son principal et indispensable collaborateur pourrait servir de prétexte idéal à PKP pour s'extirper de la galère naufragée dans laquelle il se trouve aujourd'hui, après s'y être embarqué impulsivement et avec, faut-il dire, une bonne dose de naïveté. Il n'aurait qu'à dire qu'il doit renoncer à son engagement politique pour le salut de son entreprise.

On le voyait - et il se voyait - comme le futur chef du PQ. Le plan est déjà en place, car l'appareil du parti se trouve aujourd'hui entre les mains de gens qui sont ses proches alliés, à commencer par le chef intérimaire du parti, Stéphane Bédard.

Mais ce ne sera pas un jardin de roses. L'étoile de PKP ne brille pas fort au firmament du PQ. Beaucoup de péquistes, qui se sont lancés, comme après chaque défaite, à la recherche de boucs émissaires, estiment que son arrivée dans la campagne («mal préparée», disent-ils) a fait reculer le parti en braquant les réflecteurs sur la souveraineté.

L'aile gauche du mouvement souverainiste (les Parizeau, Harel, Duceppe, Larose, etc.) avait surmonté ses réticences idéologiques pour l'accueillir comme un sauveur durant les quelques jours où tout le monde croyait que l'arrivée du puissant homme d'affaires serait un atout pour le parti et pour la cause. Les mêmes s'en détournent aujourd'hui, et le plus bavard du groupe, l'omniprésent Marc Laviolette, le qualifie de «pire patron de l'histoire du Québec».

Par ailleurs, sa proposition de mettre les drapeaux en berne le jour de l'anniversaire du rapatriement de la Constitution est complètement tombée à plat. Personne, même parmi les plus chauds partisans de la souveraineté, n'a repris la suggestion à son compte. Son intervention d'aujourd'hui sur Radio-Canada en étonnera plus d'un, de la part d'un adversaire acharné de la SRC et de la CBC.

Si PKP se présentait au leadership, il ne serait pas élu d'avance, c'est le moins qu'on puisse dire. Et lui-même a-t-il envie de diriger un parti décimé, traversé par des frictions internes?

Une élection complémentaire dans Saint-Jérôme d'ici quelque temps? Pas sûr, mais pas impossible...

Les péquistes, donc, ont commencé leur post-mortem par un conseil national à huis clos tenu ce dernier week-end à Laval. Pauline Marois, qui avait eu l'intention de s'y dérober, a heureusement changé d'idée. C'était bien la moindre des choses que de faire face directement aux militants après cette débandade historique. Un général ne déserte pas après une défaite.

Plus que jamais, le parti se trouve aujourd'hui entre l'arbre et l'écorce, déchiré entre son idéal qui est aussi sa raison d'être et le fait, difficile à nier, qu'en s'y accrochant avec trop de passion (comme le recommande Jacques Parizeau), il risque de ne jamais plus être réélu pour la simple raison qu'une majorité d'électeurs ne veut pas en entendre parler.

Il faudrait être bien naïf pour croire que le PQ mettra l'«article Un» de son programme au rancart. Plus vraisemblablement, il continuera à jouer sur les deux tableaux, oscillant selon les périodes entre la promotion de la souveraineté et la promesse du «bon gouvernement».

Peut-être se résoudra-t-il à s'engager solennellement, lors des prochaines élections, à ne pas faire de référendum dans un premier mandat. Cela constituerait un compromis acceptable, dans l'affrontement qui se dessine entre idéalistes et pragmatiques.