Les candidats de qualité ne se rueront pas sur la mairie de Montréal, et il se pourrait bien que les Montréalais doivent se contenter, faute de mieux, du député libéral Denis Coderre, qui doit annoncer sa candidature le 16 mai... et qui, souhaitons-le, démissionnera en même temps de son siège de député. Il serait aberrant qu'il fasse campagne à la mairie aux frais des contribuables.

On aurait rêvé plus et mieux pour cette métropole si malmenée.

Plusieurs souhaitaient l'entrée dans la course de l'ancien ministre des Finances Raymond Bachand, un homme cultivé en plus d'être compétent en matière économique, et qui aurait l'avantage peu commun de plaire à la fois aux péquistes et aux libéraux. Hélas, il semble bien que l'homme, accablé par son humiliante défaite au leadership du PLQ, n'ait plus envie de se lancer dans une autre carrière politique.

Les aspirants déclarés, Louise Harel et Richard Bergeron, ne font pas le poids. La première, parce que la moitié ouest de la ville ne voudra jamais d'une souverainiste unilingue qui fut de surcroît la marraine des fusions, le second parce qu'il a la réputation, malheureusement tout à fait méritée, d'être un canon sans amarre, à la tête d'un parti dogmatique pour qui l'écologie tient lieu de religion et qui n'a jamais fait la preuve de son sérieux. (La dernière croisade de Projet Montréal visait le règlement qui interdit les manifestations dont l'itinéraire n'a pas été communiqué à la police - un règlement qui existe dans toutes les grandes villes, et dans des versions beaucoup plus contraignantes! Plus déconnecté de la réalité, tu meurs...)

Le président de la Société de transport de Montréal, Michel Labrecque, semble tenté. Cet ancien président de Vélo-Québec et de Montréal en lumière a de la créativité, c'est sûr, mais ses qualifications, trop limitées au domaine du loisir et du transport, de même que ses liens avec Union Montréal, n'en font pas le candidat idéal. Rien ne dit non plus qu'il aurait l'étoffe politicienne assez développée pour rallier une majorité autour de lui.

Dans ce paysage dépeuplé, Denis Coderre fait figure de bulldozer. Il semble déterminé à tenter sa chance, et ses talents de politicien pourraient peut-être lui donner une bonne longueur d'avance, malgré ses failles.

C'est un populiste de la vieille école. Il arrive précédé d'une réputation d'organisateur traditionnel plus intéressé aux magouilles qu'à la réflexion. Ses 15 ans en politique fédérale n'ont pas laissé de traces marquantes. Il n'a jamais paru intéressé aux enjeux montréalais. (Dans une tentative risible de faire oublier ce désintérêt, il déclarait l'autre jour aux Communes que l'augmentation des tarifs à l'exportation pénaliserait «les Montréalais», comme si cette mesure ne touchait pas toutes les entreprises canadiennes!).

Encore récemment, il préférait perdre son temps à lancer sur twitter des messages insignifiants («Bonne Journée de la terre», «Bonne fête Louise»...), comme il le fait depuis longtemps de façon compulsive et franchement infantile. Pourquoi n'était-il pas plutôt en train de piocher sur les dossiers complexes de la ville dont il voudrait prendre le volant?

Par contre, M. Coderre pourrait s'avérer un leader pragmatique et un homme de bon sens, une denrée qui a cruellement manqué à Montréal. Enfin, il a une énergie à tout casser.

Dans la meilleure des hypothèses, il pourrait être une sorte de Labaume montréalais, le genre d'homme à défendre bec et ongles la cause de Montréal auprès des gouvernements, à piloter sans états d'âme des réformes difficiles et à promouvoir avec enthousiasme l'esprit d'initiative dans une ville déprimée qui a grand besoin d'une injection d'optimisme. Mais cela n'est qu'une hypothèse...