Un mélange de gauchisme juvénile et de «psychologie pop». C'est ainsi qu'on pourrait qualifier la réaction de Justin Trudeau à la tragédie de Boston. Une réaction que le premier ministre Harper n'a pas tardé à fustiger, et pour cause.

C'était la première fois que le nouveau chef libéral réagissait à chaud depuis son élection à la tête du PLC, lors d'une interview à la CBC, et le résultat a eu de quoi confirmer les craintes de ceux qui le trouvent léger et immature.

Son premier réflexe a été de compatir aux malheurs de l'auteur (alors inconnu) de l'attentat.

«Il faut regarder les causes profondes... Il n'y a pas de doute que c'est arrivé parce qu'il y a quelqu'un quelque part qui se sent complètement exclu. Complètement en guerre avec des innocents...  Et notre attitude doit être, d'où ces tensions proviennent-elles? Oui, il faut de la sécurité, mais nous ne devons pas cultiver la peur et la méfiance. Parce que cela finirait par marginaliser encore plus ceux qui se sentent déjà les ennemis de la société».

La théorie des «root causes», qui transforme le meurtrier en victime, est populaire dans bien des milieux même si, depuis le temps qu'elle roule, elle n'a jamais débouché sur des conclusions solides. On sait, exemples à l'appui, que ni la misère, ni l'exploitation, ni le racisme, encore moins le sentiment d'exclusion, n'expliquent le terrorisme. Il y a plein de gens qui se sentent malheureux et mal-aimés, et ils ne posent pas de bombes.

Mais surtout, ce n'est pas le genre de réflexion qu'on attend d'un homme qui veut être premier ministre, quelques heures après un désastre pareil. Qu'aurait-on dit si un politicien s'était d'abord soucié de la psyché blessée de Marc Lépine avant même que ses victimes eussent été enterrées?

Les chefs de gouvernement ne sont pas des thérapeutes et ce qu'on attend d'eux c'est qu'ils se tiennent debout et qu'ils prennent les moyens pour protéger la société, comme Obama l'a fait superbement cette semaine.

Et quelle formulation! «Il y a quelqu'un qui se sent exclu...». Qu'est-ce que ce langage puéril tout droit sorti des thérapies à l'eau de rose?

Justin Trudeau aurait-il un côté «nouvel âge» ? À entendre parler sa femme, dont il a déjà dit qu'elle était sa partenaire en politique comme dans la vie privée, le couple semble en tout cas baigner dans cette mentalité.

En février dernier, le Globe and Mail décrivait une conférence prononcée par Sophie Grégoire devant un groupe d'enseignantes ontariennes. Au dire du reporter, Mme Grégoire, qui enseigne le yoga, parlait comme «une guérisseuse nouvel âge» (a New Age healer) davantage que comme une épouse de politicien.

«La respiration est la pulsation intérieure divine», proclama-t-elle avant de psalmodier  une invocation en sanskrit et de proclamer, devant un auditoire en délire, que «le sacré féminin gagne du terrain».

Présentant son mari au lancement de la campagne au leadership, elle loue «la pureté de ses intentions...». «Il est intelligent, il a une équipe formidable, mais au-delà de tout cela, il y a la pureté qui coule dans son sang... Ce qui m'a vraiment attirée vers lui, c'est son enfant intérieur (the child within).

«Nous avons besoin de plus de bonté dans la société, et les gens sont non seulement prêts à élever leur pensée, mais aussi à raffiner leur niveau de conscientisation humaine...».

Compte tenu de la popularité des bouquins de croissance personnelle, on peut croire que cette philosophie plaira à bien des gens, mais d'autres y verront plutôt matière à inquiétude.