L'admission de la Palestine comme «État observateur» aux Nations unies aura au moins ceci de bon que cette victoire diplomatique renforcera la position de Mahmoud Abbas, leader relativement modéré de l'Autorité palestinienne, par rapport au Hamas... dont la stature avait été singulièrement rehaussée lors du dernier conflit avec Israël.    

Grâce à son alliance avec les Frères musulmans dont il est issu, et qui règnent maintenant en Égypte, le Hamas a vu défiler dans son fief assiégé nombre de nouveaux alliés, dont le richissime émir du Qatar et le premier ministre égyptien, et retenu l'attention bienveillante de la Turquie, autre joueur majeur qui a récemment rompu les ponts avec Israël.

Ce dernier conflit s'est terminé en queue de poisson, par une trêve qui durera jusqu'à ce que l'une des milices armées de Gaza décide de recommencer à pilonner Israël de tirs de roquettes. Mais le Hamas en était sorti vainqueur: fort du puissant soutien des Frères musulmans, il avait, pour la première fois, profité d'une oreille sympathique au Caire et de l'appui d'Ankara, tout en cultivant, dans la foulée des bombardements israéliens, son image de victime perpétuelle.

Le Hamas pouvait alors alléguer, dans sa lutte de pouvoir avec l'Autorité palestinienne basée en Cisjordanie, que seule la lutte armée porte fruit. Le vote de l'ONU lui apporte un éclatant démenti en démontrant que la diplomatie peut être aussi efficace que le terrorisme.

Si le nouveau statut de la Palestine ne changera rien au fond du problème - et risque au contraire de retarder un règlement négocié du conflit au Proche-Orient -, l'Autorité palestinienne a quand même gagné quelques atouts: une plus grande crédibilité internationale (notamment la complicité ou la neutralité des pays européens) et quelques menus espoirs à l'horizon.

De la même façon que leur admission à l'UNESCO leur a permis d'obtenir la propriété symbolique des sites historiques de Cisjordanie, la reconnaissance des Nations-Unies pourrait éventuellement valoir aux Palestiniens le droit d'amener des dirigeants israéliens devant la Cour pénale internationale pour «crimes contre l'humanité».

Mais avant d'en arriver là, le chemin sera long et semé d'obstacles, dont le moindre n'est pas la lourdeur proverbiale des organisations internationales.

Concrètement, l'UNESCO a payé cher l'admission de la Palestine: son budget a été amputé de près du quart, les États-Unis ayant fermé le robinet. La victoire palestinienne à l'ONU aura elle aussi des effets contre-productifs.

Non seulement l'Autorité palestinienne risque-t-elle de perdre les subsides qu'elle reçoit des États-Unis et du Canada (encore que ces pertes pourraient être comblées par les généreux amis du Qatar), elle ne verra pas de sitôt se rouvrir la voie menant à l'accession à un statut national réel.

En court-circuitant les négociations avec Israël au profit d'une autonomie purement fictive, les Palestiniens se sont aliénés leurs meilleurs alliés (la gauche israélienne, où les militants pour la paix sont de plus en plus las), et ont renforcé le camp du refus incarné par les colons et l'extrême droite.

Le gouvernement Nétanyahou vient d'autoriser, en représailles, la construction de 3000 logements à Jérusalem-Est et en Cisjordanie, redoublant d'agressivité dans la colonisation des zones palestiniennes - une question qui, avec le retour des réfugiés palestiniens, constitue le principal point d'achoppement des pourparlers de paix.

En fait, Nétanyahou est maintenant isolé dans son propre parti, qui est tombé aux mains de l'extrême droite, comme l'indique la liste des candidats choisis par le Likoud pour les élections de janvier prochain. Sur cette liste, Nétanyahou est le seul qui reste ouvert à la reprise des négociations avec les Palestiniens! C'est dire...

Seul espoir, la possibilité qu'à la faveur de la radicalisation du Likoud, un parti de centre puisse obtenir une majorité.