Dimanche dernier, il pleuvait. Vivement le cinéma! Tiens, Rebelle passe au Quartier Latin... Mais il fallait se dépêcher, car un dimanche après-midi pluvieux, la file risquait d'être longue, d'autant plus qu'on projetait, à la même heure ou presque, deux nouveaux films québécois précédés d'un gros battage publicitaire, Rebelle etInch'Allah...

Surprise: au guichet, nous étions tout seuls. À 17 heures, le grand complexe était vide, les employés oisifs lisaient des magazines ou pianotaient sur leurs portables. Dans la salle où nous avons vu Rebelle (un excellent film au demeurant), nous n'étions pas 10 personnes. Au même moment, des amis regardaient Inch'Allah dans une grande salle aux trois quarts vide.

À cette heure (je le sais car j'y vais souvent), le Forum, l'autre grand complexe du côté ouest de Montréal, devait être bondé, comme tous les dimanches après-midi pluvieux. Alors quoi? Où étaient les francophones qui devraient être les habitués du Quartier Latin, alors que les anglophones (et ceux que les sous-titres en anglais ne dérangent pas) faisaient la file au Forum?

Mon hypothèse: les francophones, ils étaient au Cinéplex DIX30, sur la Rive-Sud, ou bien au Colossus de Laval. Pourquoi repasseraient-ils le pont pour venir à Montréal le week-end, alors qu'ils ont des dizaines d'écrans près de chez eux? (Heureusement, Montréal garde au moins - pour l'instant! - l'exclusivité sur le cinéma de répertoire. Il faut traverser un pont si l'on veut aller à Excentris, au Cinéma du Parc, au Beaubien ou à la Cinémathèque...)

C'est à de petits signes comme ceux-là qu'on mesure l'ampleur du fléau qui s'est abattu sur Montréal, et qui d'ailleurs s'aggrave: l'exode des familles francophones de classe moyenne vers la banlieue, la métropole du Québec étant abandonnée aux anglophones, aux immigrants, aux très pauvres et aux très riches. Ce n'est pas ainsi que Montréal restera une ville française.

Seule une politique d'habitation vigoureuse arrêterait la saignée. Il y a présentement une épidémie de condos pour célibataires fortunés. Mais ce qu'il faut, ce sont des logis abordables dotés de trois ou quatre chambres pour accommoder les familles!

Parlant de Montréal, une autre minuscule observation...

Plusieurs sont agacés par la formule d'accueil qui serait, paraît-il, omniprésente dans les commerces du centre-ville. Ce «Bonjour, Hi» ou «Hi, Bonjour», il me semble pourtant ne jamais l'entendre, même si j'habite et «magasine» au centre-ville.

À la réflexion, j'ai compris pourquoi. C'est que j'ai l'habitude (une habitude acquise au fil de nombreux séjours en France) de prendre les devants en saluant moi-même les employés: je leur dis «bonjour» avant de demander ce que je veux. Avant même d'ouvrir la bouche, le vendeur, ou le serveur, ou le chauffeur de taxi, sait donc tout de suite que je suis francophone.

Cela dit, je ne crois pas que cet innocent «Bonjour, Hi» mérite qu'on en fasse tout un plat. Les commerces du centre-ville servent des francophones, des anglophones et aussi des touristes dont la majorité parle anglais, et cette introduction bilingue m'apparaît plutôt comme un geste d'ouverture.

Mais bon, si l'on trouve cela irritant, on n'a qu'à essayer mon truc. Dites «bonjour» au vendeur dès que vos regards se croisent, et le reste de l'échange se déroulera en français!

En plus, n'est-il pas plus aimable de saluer le vendeur par un petit «bonjour», plutôt que de l'interpeller abruptement en lui demandant tel ou tel produit? En France, pays de la courtoisie, on aborde les employés des services en leur disant «bonjour» et l'on ne quitte pas l'établissement sans dire «merci, au revoir». Une habitude à imiter...