Une absence remarquée, celle de Martine Aubry. Le retour d'un «grand» aux Affaires extérieures. Et enfin, un gouvernement qui s'ancre au centre gauche, du côté de la modération.

Premier test réussi pour François Hollande: le gouvernement qu'il vient de constituer annonce une ère studieuse, calme et prudente, des qualités qui seront ô combien nécessaires dans la période sombre où est engagée l'Europe.

Il aurait été incongru de retrouver Martine Aubry, actuelle patronne du PS et principale adversaire de M. Hollande aux primaires socialistes, au poste de première ministre.

D'abord, elle traîne, tel un boulet, la responsabilité d'avoir promulgué la loi des 35 heures sous le gouvernement Jospin - une loi qui, sans par ailleurs créer d'emplois nouveaux, a nui aux commerces de détail, ravagé le secteur hospitalier et alourdi la facture de l'État-employeur... et que Sarkozy n'a pu abolir, car une fois en place, ce régime en or était devenu un droit acquis pour des millions de Français.

Mais surtout, entre Mme Aubry et le nouveau président, les relations avaient toujours été exécrables, à plus forte raison depuis les primaires, alors que la dame n'avait pas ménagé les attaques personnelles. Elle l'avait accusé d'avoir laissé le PS (que M. Hollande avait géré pendant 10 ans) dans un piteux état, et l'avait qualifié de «gauche molle», le sous-entendu étant aussi évident que blessant.

Enfin, dans l'accord électoral qu'elle avait conclu avec les Verts, Mme Aubry avait sacrifié les circonscriptions détenues ou convoitées par des fidèles de M. Hollande, et épargné ses propres amis...

Il fallait que le premier ministre jouisse de la confiance du président, et cela sera le cas avec Jean-Marc Ayrault, le raisonnable et conciliant président de la majorité socialiste au Sénat, qui est depuis longtemps un proche de M. Hollande.

La France y trouvera son compte, car la rivalité larvée entre M. Sarkozy et son premier ministre François Fillion, que le premier traitait avec une condescendance proche du mépris, faisait peine à voir et n'a pas facilité la prise de décision.

Un grand revenant: Laurent Fabius aux Affaires extérieures... Cet homme brillant, ancien premier ministre sous Mitterrand, avait l'étoffe présidentiable, et c'est peut-être lui qui serait aujourd'hui à l'Élysée, si deux événements n'avaient interrompu sa trajectoire.

D'une part, le terrible scandale du sang contaminé, qui s'était produit alors qu'il était à la tête du gouvernement. D'autre part, son engagement en faveur du «non» au référendum sur la constitution européenne.

Lui non plus n'a pas été tendre pour François Hollande, qu'il a déjà comparé à une «fraise des bois». Mais dans ce gouvernement où abondent les néophytes, il fallait un poids lourd et ce sera lui.

Bercy (Finances, Économie) va à Pierre Moscovici, un émule de DSK, donc un pragmatique, et l'Intérieur (immigration, sécurité) à Manuel Valls, fils d'immigrés catalans et fidèle de Hollande. Seules concessions (plutôt mineures) à l'aile radicale du PS, la nomination de Benoit Hamon à l'économie sociale et d'Arnaud Montebourg au «redressement productif».

On a fait grand état de ce que ce gouvernement était le premier à consacrer la parité entre hommes et femmes, mais c'est de la poudre aux yeux car toutes les femmes, à l'exception de Christiane Taubira (Justice) et Marisol Touraine (Affaires sociales et Santé), héritent de ministères secondaires ou de responsabilités déléguées.

Prochain test de la nouvelle équipe: les législatives de juin. Si jamais (ce qui est peu probable) les socialistes ne formaient pas la majorité à l'Assemblée nationale, le gouvernement Ayrault tomberait et l'on reviendrait à l'ère difficile de la cohabitation...