C'est le carnaval la nuit, au son du vrombissement des hélicoptères de police et du fracassement des vitrines, et la foire d'empoigne le jour.

Des dissidents qui perturbent une conférence de presse de Martine Desjardins et de Léo Bureau-Blouin en criant «Fuck la FEUQ et la FECQ» et en agitant une banderole proclamant que la contre-offre des deux leaders étudiants, c'est «de la bouette pis des miettes».

Une opposition officielle qui alimente la fronde et se comporte comme un groupe de pression radical, pendant que des artistes qui n'ont jamais regardé un budget gouvernemental jouent la mouche du coche, et que des têtes grises essaient de s'acheter une jeunesse en devenant des «Bon Chic Bon Rouge» (variante de BCBG).

Des injonctions que personne ne peut faire respecter. Des milliers d'étudiants privés de cours par leurs propres camarades et dans certains cas par leurs propres professeurs, qui les empêchent physiquement d'entrer au collège. Des directeurs de cégeps confits dans leur rôle de potiche.

Pendant que des milliers d'étudiants risquent de perdre leur année et leur emploi d'été et de voir chavirer leurs projets pour l'an prochain, pendant que des milliers d'étudiants risquent de grossir le contingent des décrocheurs parce qu'ils seront incapables de suivre des cours de rattrapage bâclés, les adultes qui participent au carnaval - les professeurs en particulier - empochent chaque semaine leur salaire et leurs avantages sociaux, tout en encourageant les jeunes à poursuivre ce mouvement de grève suicidaire. Bonjour, la solidarité entre les générations!

Au Collège de Maisonneuve, où 16 étudiants avaient obtenu une injonction obligeant la reprise des cours, les carrés rouges, accompagnés de professeurs, ont érigé dès l'aube autour du collège un blocus où se trouvaient des individus masqués. Les malheureux dissidents, terrorisés, se sont même fait houspiller par deux professeurs de l'UQAM qui les ont traités d'individualistes et d'égoïstes!

Dans le même cégep, les leaders étudiants ont annulé l'assemblée qui devait se prononcer sur la reconduction de la grève, sous prétexte que «seulement» 60% des membres la réclamaient, alors qu'il en aurait fallu 66% (sic) - une règle-maison farfelue qui n'existe dans aucun «vrai» syndicat.

Dans plusieurs cégeps, les assemblées qui ont voté pour la grève se sont prolongées pendant plus de cinq, six heures, à coup de procédures dilatoires... l'objectif étant évidemment de pousser les non-militants excédés à quitter les lieux. Après quoi, bingo! La grève est votée!

D'où sortent ces pratiques totalitaires qui vont à l'encontre de l'a.b.c. de la démocratie syndicale et qu'il faut bien qualifier d'intimidation à grande échelle?

On n'est pas naïf, ces tactiques ne datent pas d'hier: elles sortent du petit manuel du parfait militant d'extrême gauche ou d'extrême droite. Mais comment se fait-il que tout cela soit cautionné par les organisations démocratiques que sont les centrales syndicales et le PQ?

On n'est pas naïf, on sait bien que les syndicalistes professionnels et les péquistes instrumentalisent le conflit à leurs propres fins, car il y a belle lurette que cette crise n'a plus rien à voir avec les droits de scolarité et tout à voir avec la politique, mais cela justifie-t-il la manipulation d'une masse de jeunes?

Comment, par ailleurs, accepter que la CSN et la FTQ financent la fronde étudiante à même les cotisations syndicales de leurs travailleurs, dont la plupart sont des ouvriers et des techniciens qui n'ont jamais eu la chance d'aller à l'université et dont les enfants, peut-être, n'en bénéficieront pas? Ne parlons pas des syndicats d'enseignants. Ne parlons pas des enseignants qui osent intimider leurs propres élèves. Ils déshonorent leur profession.