Qui est Jean-Luc Mélenchon, le ténor de la gauche radicale avec lequel la gauche modérée de François Hollande devra compter, si, comme on le prévoit, ce dernier devient président de la République le 6 mai prochain?

Mélenchon aura été la surprise de cette campagne présidentielle, éclipsant par sa rhétorique inspirante et incendiaire la personnalité plutôt terne de François Hollande, et disputant à Marine Le Pen la troisième place au premier tour. On verra le 22 avril qui, de la populiste d'extrême droite ou du populiste d'extrême gauche, gagnera la médaille de bronze...

L'homme est un curieux mélange, un fin lettré doublé d'un tribun brutal et sectaire, un idéaliste tout droit sorti des années 60 doublé d'un opportuniste rongé par l'ambition.

Né dans une modeste famille de pieds-noirs marocains, ses premières expériences sont marquées par le rejet - les pieds-noirs affluant dans l'Hexagone, après l'indépendance de l'Algérie en 1962, étaient notoirement mal reçus. À Marion Van Renterghem du Monde, il confiait que cette enfance de «proscrit» l'a laissé avec un profond besoin de «revanche sociale». D'où cette colère toujours latente que nourrira le premier prétexte venu, du plus futile (il perçoit la moindre critique comme une humiliation) aux plus sérieux (la pauvreté, les inégalités).

La crise financière dans laquelle l'Europe du Sud se débat accentuera ce trait de caractère et lui offrira la chance de carburer à l'indignation du matin jusqu'au soir. À 60 ans, Mélenchon est le fils spirituel du vieux Stéphane Hessel, l'auteur du fameux pamphlet qui, en d'autres temps, aurait été complètement ignoré.

Grand admirateur de Chavez et de Castro, celui que même ses amis surnomment «Mao-Lenchon» voue une haine tenace à «l'impérialisme américain» ... comme s'il ne s'était pas rendu compte qu'avec Obama, les États-Unis ont cessé d'être les maîtres du monde et se replient sur leurs problèmes domestiques. Le Monde raconte qu'il a quitté avec fracas l'hémicycle du parlement européen pour protester contre l'octroi du prix Sakharov à un dissident cubain!

Tout comme Marine Le Pen, il s'en prend à la mondialisation et à l'Europe... ce qui ne l'a pas empêché de devenir député au parlement de Strasbourg.

Après des études de philosophie, il fait un long séjour chez les trotskystes... mais bifurque quelques années plus tard chez les francs-maçons - un réseau souterrain qui, en France, facilite les carrières politiques. La sienne est au Parti socialiste dont il devient un notable: sénateur, membre du bureau national, ministre junior dans le gouvernement Jospin... (contrairement à la tradition qui privilégie les diplômés des grandes écoles, il n'embauche à son cabinet que des militants).

C'est en 2005 qu'il rompt avec le PS. Il s'oppose au traité constitutionnel européen que son parti appuie. Et gagne son pari: la victoire du «non», après une campagne épique, l'installe dans son nouveau rôle de franc-tireur à la gauche du PS. Trois ans plus tard, il fonde le Front de gauche et réussit, pour la campagne présidentielle, à amener ce qui reste du Parti communiste derrière sa bannière. Même si le PC est moribond sur le plan électoral, c'est une prise de taille, car il a partout gardé des réseaux actifs et déterminés.

Le camp Hollande a de quoi s'inquiéter devant la montée de Mélenchon. D'abord, ce dernier n'a jamais caché son mépris pour François Hollande. Encore l'automne dernier, il le qualifiait de «capitaine de pédalo». Ensuite, son succès électoral renforcera l'aile radicale du PS, ajoutant aux pressions dont M. Hollande, une fois élu, sera l'objet. Une histoire à suivre...