Le député péquiste Bernard Drainville y est allé l'autre jour d'un joli numéro de pleureuse où transparaissait, sous le pathos, l'ambition dans ce qu'elle a de plus cru.

S'étant invité au Devoir pour une rencontre qui devait théoriquement porter sur ses idées de réformes, il s'est plutôt attardé à pronostiquer la disparition prochaine du PQ et à claironner son «inquiétude» quant à la performance de Mme Marois, dont il a loué l'engagement... avec des hésitations et des soupirs calculés qui en disaient long. Qui disaient, en fait, ceci: moi je sauverais le parti!

Le tout, enveloppé de nobles préoccupations morales. C'est une question de conscience, il lui faut «tout faire» pour «éviter le pire», etc, etc.

L'atmosphère, au dire des journalistes appelés au chevet du parti mourant, était «dramatique». L'un d'eux a même évoqué «le son du glas». Un beau cas de  journalisme compassionnel.

Non mais qu'est-ce que ce parti de mauviettes? Je ne parle pas ici des péquistes qui font consciencieusement leur boulot, encore moins de Mme Marois, mais de ces députés à qui la perspective même aléatoire d'une défaite suffit à faire perdre la tête. Comme si les défaites, tout autant que les victoires, n'étaient pas l'essence même de la politique!

Il y a la «bande des quatre» de juin dernier, dont chacun avait sa petite raison de quitter le parti (chez l'un c'était l'ego, chez l'autre la lassitude, et les deux autres s'imaginaient avoir plus de chances de faire advenir la souveraineté en s'enfermant dans un groupuscule, ce qui en dit long sur leur jugement.)

Il y a les députés Benoit Charrette, Daniel Ratthé et François Rebello, qui ne doivent leur statut actuel qu'au PQ, et que la frousse vient de jeter dans les bras de François Legault. On est allé jusqu'à effacer toute mention du parti de leurs biographies officielles, comme s'ils avaient été élus comme «indépendants», par leurs propres mérites!

M. Rebello, le plus connu et le plus bavard, jure qu'il reste passionnément souverainiste même s'il vient d'opter pour une formation qui a fait une croix sur la souveraineté.

On n'a jamais vu autant d'arrivisme débridé, même au sein de ce Parti libéral qui passe pour être peuplé de carriéristes sans idéal. Pourtant, les sondages ont de quoi affoler les libéraux encore plus que les péquistes!

En avril dernier, CROP situait le PLQ à 26% (contre 40 pour le PQ). En mai, le PLQ était à 23% et le PQ à 34!

Face au désastre appréhendé, les libéraux n'ont pas bronché. Ils ne se sont pas liquéfiés sous la peur et ils n'ont pas sorti les poignards contre leur chef, dont le taux d'impopularité était pourtant abyssal.

Les péquistes ont réagi tout différemment. Emportés par la panique, ils se sont activés à saboter leur parti, en se déchirant sur la scène publique et en minant l'image de leur chef. Il faut croire qu'au PQ, la loyauté est un concept désuet.

Après quoi, bien évidemment, le PQ a dégringolé dans les sondages.

Qui veut d'un parti dont les ténors - des ministres potentiels! - «prennent les nerfs» à la première bourrasque? Qui peut faire confiance à une chef dénigrée par ses propres troupes?

Les péquistes n'avaient qu'à attendre stoïquement que François Legault commence à perdre des plumes, ce qui ne tardera pas à se produire, car un politicien réel est toujours moins populaire qu'un sauveur hypothétique. Mais pour cela, il fallait un minimum de maturité politique.