Fureur chez les démocrates de gauche, déception chez ceux qui croyaient que la victoire de Barack Obama allait changer le monde. Non seulement le nouveau président n'a-t-il rien révolutionné, mais il marche à certains égards dans les traces de Bush...

Comme disent les Anglais, «reality kicked in». Après le lyrisme, la réalité est revenue, dure et incontournable. Il n'y aura pas de miracle. Cet homme ne marche pas sur l'eau.

 

C'est sur le terrain de la lutte contre le terrorisme que le revirement est le plus marqué. Obama promettait de fermer Guantánamo cette année, mais il s'est heurté à l'opposition vigoureuse du Congrès. Même les démocrates l'ont laissé tomber, parce que l'opinion publique se rebelle à l'idée de voir de présumés terroristes (dont l'un serait le chef des attentats du 9-11) transférés dans des prisons en sol américain.

Au grand dam des militants des libertés civiles, le président Obama a aussi dû se rallier à l'idée de mettre sur pied des tribunaux militaires d'exception - l'une des raisons étant que les preuves contre les détenus de Guantánamo reposent sur des témoignages obtenus sous la torture (notamment le «water-boarding» ou la simulation de noyade), preuves qui seraient inadmissibles devant un tribunal ordinaire. Seule différence avec les tribunaux envisagés par l'administration Bush, ceux-là accorderaient un peu plus de droits à la défense.

Obama s'est engagé à ce qu'aucun détenu sur qui pèsent des accusations de terrorisme ne soit libéré sans que la preuve ait été faite de son innocence, ce qui laisse entrevoir que des hommes seront emprisonnés indéfiniment sans jamais avoir été jugés - un accroc de taille aux principes démocratiques... mais que faire d'autre? Relâcher dans la nature des gens dont aucun pays ne veut et qui, s'ils n'étaient pas des terroristes au moment de leur capture, le sont probablement devenus après des années à Guantánamo?

Autre volte-face, Obama refuse d'autoriser la publication de photos illustrant des sévices commis par des militaires américains. On le comprend de refuser d'alimenter la propagande antiaméricaine en affichant des gestes commis par une minorité de militaires. Ce serait du masochisme pur. Mais pourquoi s'était-il engagé à le faire?

Reality kicks in... Les Européens étaient éperdument en amour avec Barack Obama - à condition que cela ne leur coûte rien. Le jeune président n'a rien obtenu de ce qu'il leur demandait. Aucun gouvernement européen ne lèvera le petit doigt pour l'aider à régler le problème de Guantánamo en accueillant un ou deux détenus. Il n'est pas davantage question que les puissances militaires européennes accroissent leur effort dans les zones dangereuses de l'Afghanistan - une guerre qu'Obama a imprudemment faite sienne et dans laquelle il risque de s'enliser comme ses prédécesseurs au Vietnam.

Reality kicks in... Malgré ses messages conciliants, Obama n'a rien changé à l'attitude belliqueuse du président iranien Ahmadinedjad. Rien changé non plus, malgré ses messages forts en faveur de la création d'un État palestinien, à l'intransigeance du gouvernement Nétanyahou. Les Israéliens ne se laisseront pas dicter leur conduite par le président américain, lequel, pour des raisons politiques et morales, ne pourra jamais par ailleurs laisser tomber l'État d'Israël. Tout au plus Obama a-t-il réussi à activer la lutte contre les talibans au Pakistan, mais ce sursaut de vigueur, de la part du gouvernement pakistanais, tient peut-être surtout au fait que pour la première fois, Islamabad a vu les talibans se rapprocher de la capitale.

C'est finalement sur le plan domestique que les choses sont le mieux engagées. Relance financière, transformation de l'industrie automobile, politiques environnementales novatrices... Reste le gros morceau: la réforme de l'assurance maladie, une opération qui n'ira pas de soi, mais qu'Obama doit absolument réussir.

lgagnon@lapresse.ca