J'entendais la semaine dernière à la radio les propriétaires de restaurants de Montréal se plaindre de la perte d'achalandage - et, donc, de revenus - dont ils sont victimes en raison des innombrables chantiers de construction qui s'improvisent simultanément sur tout le territoire de la métropole. Une plaie qui, malheureusement, n'est pas en voie de se cicatriser.

« Une chance qu'on ne livre pas au centre-ville », laisse tomber Michel Robert, PDG du Groupe Robert, qui était conférencier hier matin au Sommet économique de l'agglomération de Longueuil.

Son entreprise de transport et de logistique exploite un parc de 1200 camions-remorques qui sillonnent les routes du Québec, de l'Ontario et des États-Unis pour livrer des marchandises essentielles aux opérations de ses entreprises clientes.

La taille importante des chargements de ses camions limite donc ses incursions dans les entrailles des grandes agglomérations qui sont principalement desservies par des plus petits camions de livraison.

Mais le Groupe Robert n'est pas pour autant à l'abri des contretemps permanents qu'entraînent les travaux majeurs de réfection des grandes infrastructures dans le périmètre du centre-ville de Montréal.

La reconfiguration de l'échangeur Turcot et la construction du nouveau pont Champlain ont notamment forcé le Groupe Robert à réviser ses processus opérationnels afin d'atténuer le plus possible les immanquables répercussions de ces travaux sur ses temps de livraison.

La solution était simple : il fallait éviter que les camions du groupe empruntent les routes qui allaient être perturbées. Par mesure préventive, l'entreprise a donc décidé, il y a trois ans, d'ouvrir un tout nouveau centre de distribution dans l'ouest de la ville.

« Plutôt que d'être acheminée à notre centre de distribution central à Boucherville, toute la marchandise qui nous arrive de l'Ontario est maintenant déchargée à Dorval pour être réacheminée par la suite. Ce nouveau centre de distribution accueille aussi toute la marchandise qui doit être livrée dans les entreprises du West Island », explique Michel Robert.

L'ajout d'un nouveau centre de distribution avec une quinzaine de portes de livraison implique évidemment des coûts, mais le transporteur n'avait pas le choix.

« La congestion autour de Montréal est telle qu'on réduit au minimum nos livraisons entre 7 h et 9 h le matin. On explique à nos clients que l'on préfère leur livrer leur cargaison à 6 h le matin ou à 10 h. Mais on ne peut plus garantir une livraison entre 7 h et 9 h, tellement la congestion est dense autour de Montréal », déplore le PDG du Groupe Robert.

ENCORE DES ANNÉES DE CONGESTION

Alors que tout le Québec ergote depuis des années au sujet de la multiplication sans fin des cônes orange sur le territoire et tout autour de la métropole, aucune étude récente n'a été réalisée pour mesurer les coûts économiques de la non-fluidité de la circulation à Montréal.

Marc Cadieux, président de l'Association du camionnage du Québec, cite la dernière étude du ministère du Transport, qui date de 2009 - donc bien antérieurement à la situation cacophonique actuelle - pour évaluer à 1,4 milliard le coût de cette non-fluidité.

« Depuis 2000, l'achalandage moyen de la circulation autour de Montréal augmente de 1,7 % par année. Ça ne paraît pas beaucoup, mais ça fait quand même une augmentation de plus de 25 % au cours de cette période. » - Michel Robert, PDG du Groupe Robert

« Quand un camion prend une heure de plus pour effectuer sa livraison dans la région de Montréal, ça ne paraît pas beaucoup, mais encore là, si tu multiplies par 400 ou 500 livraisons, les pertes deviennent énormes », soumet-il.

La construction du pont Champlain doit être terminée d'ici la fin de 2018 et celle de l'échangeur Turcot devrait aboutir d'ici la fin de 2020. Montréal profitera alors de belles infrastructures flambante neuves, mais il faudra alors s'attaquer à la mise à jour du tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine, ce qui se répercutera encore une fois sur la fluidité de la circulation.

Michel Robert observe que la congestion persistante mine directement le concept même du juste-à-temps, ce mode d'exploitation où les entrepôts des entreprises ont été remplacés par des stocks sur roues qui sont livrés le jour même de leur assemblage.

Les entreprises de la région de Montréal devraient peut-être commencer à examiner la possibilité de se constituer de petits entrepôts pour répondre à l'éventualité grandissante des petits retards de livraison.