C'était le branle-bas de combat à la Banque Laurentienne, hier après-midi, alors qu'on avait enjoint à tous les employés de la troisième institution financière québécoise en importance, toutes affaires cessantes, de participer à une réunion d'information au Palais des congrès de Montréal. À l'ordre du jour, la transformation de la banque.

Remarquez que le libellé de la convocation aurait tout aussi bien pu préciser qu'il s'agissait en fait de la présentation de la toute dernière transformation de la banque. Parce qu'au fil des ans, la Banque Laurentienne s'est littéralement imposée comme la championne de la réinvention.

La sixième banque en importance du pays, loin derrière la Banque Nationale et le Mouvement Desjardins au Québec, cherche depuis des années à bonifier sa taille et son influence en se lançant dans des initiatives « transformationnelles » qui doivent lui permettre de s'imposer comme la nouvelle voie du monde hyper-traditionnel des services financiers.

Le tout a débuté en 1987, lorsque le Groupe La Laurentienne de Québec a acquis les activités de la Banque d'Épargne de la Cité et du District de Montréal.

Rapidement, son PDG, Claude Castonguay, s'est lancé dans la transformation de l'institution pour en faire un modèle du décloisonnement des services financiers au Canada.

Le Groupe La Laurentienne allait être le premier à s'imposer comme le supermarché des services financiers, capable de livrer à une même enseigne des produits bancaires, d'assurances, de fiducie et de courtage de valeurs mobilières.

La Banque Laurentienne s'est développée durant quelques années sous ce grand parapluie avant d'être confrontée au plafonnement de ses activités.

Claude Castonguay est parti en 1994 et Henri-Paul Rousseau lui a succédé pour réaliser une expansion plus traditionnelle en complétant l'acquisition d'une trentaine de succursales de la North American Trust en Ontario et dans l'ouest du pays, et d'une quarantaine de succursales de la Banque Scotia au Québec.

En 2000, le PDG de la Banque Laurentienne a annoncé une nouvelle révolution bancaire, à l'ère de l'internet celle-là, en lançant le B2B Trust, qui devenait le premier grossiste internet en produits et services financiers en vue de desservir les courtiers, les conseillers financiers et les détaillants.

En 2002, Raymond McManus a pris la relève d'Henri-Paul Rousseau et s'est attaqué à retrouver la rentabilité perdue de l'institution. Il a notamment vendu la soixantaine de succursales que la Banque Laurentienne exploitait en Ontario et dans l'ouest du pays.

Mais, signe particulier de l'ADN de la BL, Raymond McManus n'a pu s'empêcher lui aussi de réinventer les activités bancaires de détail en lançant la nouvelle succursale de l'avenir par l'inauguration du premier Café-banque Espresso, où les clients vont pouvoir confortablement siroter un café tout en rencontrant leur conseiller en REER.

En 2006, Réjean Robitaille a succédé à Raymond McManus et, durant 10 ans, la Banque Laurentienne concentrera pleinement son énergie à améliorer la rentabilité du groupe, sans transformation importante, si ce n'est qu'on a étoffé l'offre de services à la clientèle des PME.

En poste depuis bientôt un an, François Desjardins, nouveau PDG de la Banque Laurentienne, est un produit de la banque, puisque c'est là qu'il a fait carrière, depuis ses débuts comme étudiant-caissier jusqu'à aujourd'hui.

Le PDG de 45 ans a décidé qu'il fallait rompre avec le modèle traditionnel en réalisant le regroupement d'une cinquantaine de succursales et en abolissant les services de dépôt et de retrait au comptoir pour ne maintenir que les activités de conseil, qu'il souhaite optimiser.

Cette nouvelle transformation se réalisera au moment même où de nombreuses banques canadiennes ont décidé de faire l'inverse et d'ouvrir des succursales supplémentaires au Québec afin de conquérir de nouvelles clientèles, chez les nouveaux arrivants notamment.

La Banque Laurentienne se targuait d'être la troisième institution bancaire en importance du Québec grâce à son réseau de 148 succursales. Or, selon cet étalonnage, la BL se fait déjà chauffer par la Banque Royale, qui en exploite elle aussi 148 au Québec, la BMO et ses 144 établissements québécois ou la TD et ses 134 succursales.

Même la Scotia, qui ne comptait que 60 succursales au Québec il y a quatre ans, devrait en exploiter une centaine d'ici peu. Le pari du nouveau PDG de la Banque Laurentienne est donc audacieux, et l'avenir nous dira s'il n'était pas plutôt téméraire.