La fusion annoncée lundi des deux sociétés canadiennes Potash Corp et Agrium va donner naissance à un nouveau leader mondial évalué à 36 milliards US qui dominera le marché mondial des engrais. Si ce regroupement a été rendu nécessaire en raison d'un marché déprimé, rien ne laisse présager que le nouveau géant canadien va profiter d'un redressement éventuel des prix de la potasse.

Il faut d'abord savoir que le regroupement des deux plus importantes entreprises canadiennes en matière de production et de commercialisation de la potasse va donner corps à un géant mondial dont la valorisation boursière combinée sera toutefois inférieure à celle qui était attribuée à la seule Potash Corp, il y a six ans à peine.

En 2010, Potash Corp a fait l'objet d'une offre publique d'achat de la part du géant mondial minier BHP Billiton. La multinationale australienne avait offert d'allonger 40 milliards US pour acquérir la totalité des actions du producteur canadien de potasse.

Précisons ici que la potasse est un engrais capital pour le rendement des terres agricoles puisqu'il augmente la qualité des sols et leur résistance aux stress tels la sécheresse ou la maladie des plantes.

Face à l'explosion démographique des 60 dernières années - qui a fait passer la population mondiale de 2,5 milliards d'habitants, en 1950, à 7,4 milliards aujourd'hui -, la surface des sols cultivables n'a pas suivi, c'est donc dire que les terres arables ont été de plus en plus surexploitées, rendant indispensable l'utilisation de la potasse. Les principaux pays consommateurs de potasse sont la Chine, les États-Unis, l'Inde et le Brésil.

Les prix de la potasse ont littéralement explosé durant les années 2000, dopés par la croissance économique phénoménale de la Chine qui progressait de 10 % par année pour atteindre un sommet de 15 %, en 2007.

C'est dans ce contexte donc que le prix de la tonne de potasse est passé, entre 2006 et 2008, de 160 $US la tonne à près de 1000 $US la tonne et que la valeur de l'action de Potash Corp est passée durant la même période de 15 $ à 80 $ avant d'atteindre les 140 $ dans la foulée de l'offre de BHP Billiton.

Heureusement pour BHP Billiton, le gouvernement conservateur a refusé que la transaction se réalise, prétextant que le Canada ne pouvait se permettre de laisser filer à des mains étrangères une ressource naturelle stratégique aussi importante que la potasse.

Déjà, au moment de la formulation de l'offre de BHP, les prix de la potasse se sont écroulés pour tomber sous les 400 $US alors que les producteurs agricoles chinois ont réduit leurs inventaires et ont commencé à s'approvisionner chez d'autres producteurs russes et biélorusses qui ont cassé les prix.

Depuis deux ans, les prix n'ont fait que vivoter aux alentours des 300 $US la tonne et sont tombés la semaine dernière sous la marque des 230 $US. Les activités de Potash Corp et d'Agrium sont encore profitables, mais la valorisation de ces entreprises est loin de celle qu'on leur attribuait il y a six ans seulement.

Les perspectives de reprise des cours de la potasse ne sont pas roses à court terme puisqu'elles sont intimement liées à celles de la croissance économique chinoise que personne ne voit aller en s'améliorant.

À cet égard, la situation de la potasse est semblable à celle de plusieurs produits de ressources naturelles qui ont explosé sous l'impulsion de la forte attractivité de l'économie chinoise pour se replier de façon importante depuis le début des années 2010.

C'est le cas notamment du minerai de fer qui se négociait à 180 $US la tonne en 2010 et qui s'est effondré pour atteindre la marque des 40 $US en début d'année.

Curieusement - et cela en a surpris plusieurs -, c'est le minerai de fer qui a enregistré cette année la plus forte valorisation de toutes les matières premières avec une hausse de plus de 50 % de sa valeur qui est passée de 40 à 60 $US la tonne.

Tous les spécialistes sont cependant d'avis que cette flambée ne sera que passagère. Malgré des statistiques économiques étonnantes qui ont été dévoilées hier en Chine - hausse de la balance commerciale, de la production industrielle et des ventes au détail pour le mois d'août -, personne n'entrevoit une croissance économique aussi probante que celle qu'a déjà affichée la deuxième puissance économique mondiale.

À preuve, après avoir atteint 60,58 $US, le 28 août dernier, la tonne de fer a chuté sous les 58 $US depuis le début septembre et les mois déprimants de l'automne sont devant nous...

Infographie La Presse